Imiter (La vie des objets. Ch. 153)



Samedi 9 mars 2024, 12h, Aix-les-Bains. On l’appelle prunus pour ne pas se tromper car on l’a prise, façon Hanami, sur un arbre dépassant d’une propriété. Mais la question est ailleurs. La photo en gros plan a été prise dans le format 4/3 horizontal. Pour la rendre plus visible, on a décidé de la rendre carrée. C’est là que pour la première fois, dans La vie des objets, on a joué avec l’IA de Photoshop. Le haut et le bas du carré ont été générés par imitation de ce qui était déjà là. Alors la vue large a été quelque peu transformée aussi, pour la recadrer et la simplifier. On dira que les objets, cette fois, sont les photos elles-mêmes.

Dénouer (La vie des objets. Ch. 151)


Vendredi 1er mars 2024, 21h45, TGV de Paris à Aix-les-Bains. Elle a été vue entre les mains d’une enfant qui jouait alors que ses parents s’apprêtaient à descendre à Mâcon. Ils se trouvaient dans ce train par erreur, l’ayant pris à la dernière minute pour celui qui partait vers Montbard. Il a fallu une heure pour désentrelacer les fines mailles métalliques, en gardant à l’esprit qu’elles n’ont pas de vrais nœuds. La découpe calligraphique tente d’être déchiffrée par l’analyse de son image sous Google. Dans une centaine de propositions d’images, une seule présente le motif. Mais il n’est pas directement traduisible. La photo est sur un compte Face Book. Elle provient de la bijouterie Le Rivage, à Ben Aknoun, à l’ouest d’Alger, et elle donne l’occasion d’un cœur à l’intention de صوفي, une Sofia reconnue. On est à Guelma, à l’Université francophone du 8 mai 1945. On sait quelque peu des manifestations d’indépendance cruellement réprimées dans le Constantinois, Sétif, Guelma et Kherrata, le 8 mai et après. On lit Wikipédia qui l’explique longuement. Une minuscule plaque de la chaine porte la mention : ITALY S925.

S’appeler (La vie des objets. Ch. 150)


Jeudi 29 février 2024, 23h, Paris. Elle a été obtenue à Kyoto, dans un FamilyMart (konbini ouvert 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7) et elle vient de réapparaître ce soir. On vérifie que le mot spork qui revient en la regardant est bien son nom en anglais, comme spoon et fork. La dire deux en un, l’appeler vraiment cuillère-fourchette ou fourchette-cuillère, sont des façons d’éviter le qualificatif pseudoscientifique aujourd’hui à toutes les sauces, alors qu’on a connu la vérité du mulet. La guerre l’est peut-être. Mais on entend trop cette façon de désigner, sans le dire, le « pure race ».

Crassulas du Vertbois


Dimanche 25 février, 15h, rue du Vertbois, Paris, 3e. Interpellation d’un duo de crassulas, comme souvent, derrière leur vitre, et ici soulignées par les lettres qu’elles suscitent. On l’a dit, toute crassula est l’occurrence d’une colonie dispersée dans le temps et dans l’espace. Pour autant, l’ubiquité obtient des adresses forcément particulières, nommables, saisissables.

24 – 29 juin 1890



Vendredi 5 janvier 2014, 14h, Musée d’Orsay, Paris. L’exposition dédiée aux dernières peintures de Van Gogh donne aussi à le lire : « Ce qui me passionne le plus, beaucoup beaucoup davantage que tout le reste dans mon métier – c’est le portrait, le portrait moderne. Je le cherche par la couleur. » À Willemien, Jeudi 5 Juin 1890. Peindre les gens est « la seule chose en peinture qui m’émeut le plus profondément et me fait ressentir l’infini, plus que toute autre chose ». L’ambition de Van Gogh est d’atteindre chez ses modèles « cet éternel indéfinissable, dont le nimbe était le symbole et que nous essayons d’atteindre par l’éclat lui-même, par la vibration de nos couleurs ». Exalter leur caractère par la couleur, donner à ses toiles l’expressivité des passions qui les habitent, voilà ce qui constitue « le portrait moderne ». Mais à Auvers comme auparavant, il peine à trouver des modèles, sinon dans son entourage immédiat : Gachet, sa fille Marguerite, la fille de son aubergiste, Adeline Ravoux, des enfants, deux jeunes femmes non identifiées. Il déploie dans ces portraits des expérimentations plastiques parfois étonnantes, par le format carré, les fonds tramés, des jeux de couleur ton sur ton, un dessin simplifié à l’extrême. [Peinture légèrement recadrée, cartels du Musée]