« Le Joli Mai »* ou le droit de regard

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La photographie a été coupée pour satisfaire au « droit à l’image ». Les Converse grises sont suffisamment visibles.


La même photo, ajoutée le 29 juillet 2012. ©jlggb-paris-2009


Ajoutée après le 29 juillet 2012 : la vidéo prise dans les mêmes circonstances, à voir sur Vimeo.

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© Chris Marker. Deux des images prises (à la caméra vidéo) par C.M. et publiées en exclusivité le 6 mai 2009 par le site Poptronics. Voir sur Flickr : Sandor Krasna (et, par la suite sous le nom de Chris Marker : https://www.flickr.com/photos/poptronics/sets/72157617647293325/)

Paris, boulevard Saint-Michel, près des thermes de Cluny, vendredi 1er mai 2009, 17h20, défilé. C’est la première fois qu’on le voit ainsi en action, avec sa caméra bricolée. Pourtant, sa démarche, sa silhouette et son profil le désignent entre mille. Avoir été son chauffeur […] a laissé l’empreinte du code visuel qui permet de repérer un personnage réputé invisible. D’ailleurs, un homme encore jeune l’approche depuis le trottoir mais ne parvient pas à retenir son attention :

« Vous savez qui c’est ?
— J’étais sur Sans soleil ! ».

Il y a aussi des phrases retenues par cœur :

« Et lorsqu’il reconnut l’homme qui l’avait suivi…
il comprit
qu’on ne s’évadait pas du Temps. »
Chris Marker, La Jetée, 1962

marker_jetee2Voir aussi le billet « La Jetée » à Tokyo, décembre 2007.

« Mais d’abord la regarder — jusqu’à l’énigme, comme ces mots qu’on répète sans cesse et que soudain on ne reconnaît plus
— jusqu’à ce qu’entre toutes les choses incompréhensibles de ce monde, la plus incompréhensible soit qu’elle est là, en face de nous, comme un oiseau et comme un chiffre
— comme un signe. »
Chris Marker, « Description d’un combat », Commentaires, Seuil, 1961

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Détail d’un photogramme, relatif au texte ci-dessus, de Description d’un combat, 1960,
France-Israël, 56 mn, 16 mm couleur,
directeur de la photographie : Ghislain Cloquet.
© doku.arts, Amsterdam

marker_commentaires2Archives personnelles, 1963.

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* Le Joli Mai, long métrage de Chris Marker et Pierre Lhomme, 1963.
Ci-dessus : une photo du Joli Mai
en couverture du numéro 2 de la revue Artsept, avril-juin 1963,
éditée à Lyon, rédacteur en chef : Raymond Bellour.
Archives personnelles, 1963.

Un temps sans épaisseur

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Samedi 11 avril 2009, 15h15. Dans le parc de l’ancien Climatérium de Corbières à Pugny-Chatenod, Savoie (voir le billet Climatérium), un très grand conifère (lequel ?) a été scié. Il faudrait le regarder de très près, ce doit être possible de compter les cercles de ses années. Les arbres sont des monuments — monumentum, ce qui fait se souvenir, ce qui garde la mémoire. Du monument dressé au monument comme diagramme du temps, on peut finalement préférer ce dernier, pour sa planéité, pour sa lisibilité. Et pour l’allusion à la coupe de séquoia que l’on voyait sous un abri du Jardin des plantes, avec ses petites plaques de cuivre gravées de dates et d’événements. C’est cette coupe de la base d’un séquoia, conservée au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, qui apparaît dans La Jetée :

[flv width= »500″ height= »315″]http://jlggb.net/blog/wp-flv/sequoia.flv[/flv]

« Ils marchent. Ils s’arrêtent devant une coupe de séquoia couverte de dates historiques.
Elle prononce un nom étranger qu’il ne comprend pas. *
Comme en rêve, il lui montre un point hors de l’arbre.
Il s’entend dire : « Je viens de là… » »
* Hitchcock ?
Chris Marker, La Jetée, 1962

Hitchcock ? C’est la question qu’inscrit l’auteur, dans la version livre de La Jetée. Car l’allusion circule. Elle vient à Marker de Vertigo (1958). Il en en reprendra encore la figure dans Sans Soleil et dans Immemory (1998).

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Alfred Hitchcock, Vertigo (1958).

[images extraites de : http://www.hitchcockwiki.com/wiki/1000_Frames_of_Vertigo_(1958)]

Pour dresser cette carte du temps, il a fallu scier et abattre la colonne monumentale, verticale, spatiale, de l’arbre. La carte d’un temps n’a pas besoin, comme celle d’un espace, de mimer l’horizontalité d’un sol. Après le basculement du tronc, elle peut s’affronter comme un tableau noir. Elle est sans épaisseur ou, plus exactement, son épaisseur est faite de répétitions qui sont autant de moments synchrones et distincts. Une remarque encore : les profondes cassures du tronc, comme les vagues de sa périphérie, n’affectent en rien la chronologie, immuablement concentrique. Elles disent cependant des présents différents et les sorts contraires que connaissent les souvenirs.

Note 1. Sur le sciage des troncs, voir la technique observée à Xian (Chine) en avril 2006.

Note 2. La coupe de séquoia du Jardin des plantes est retrouvée, voir le billet du 20 mai 2009.

La Jetée

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Aéroport de Tokyo-Narita, samedi 15 décembre 2007, vers 11 heures.

Depuis 1962 (première visite d’un aéroport, Orly — voir jlggbblog3 : http://jlggb.net/blog3/?p=105 et La Jetée de Chris Marker), les terrasses d’aéroport se sont vu enfermées dans des grilles ou purement fermées aux visiteurs (en 1975 à Orly).

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Chris Marker, La Jetée

Voir le billet « Le joli mai ? » du 1er mai 2009.

Voir aussi : le bar La Jetée à Shinjuku, Tokyo
(et le diaporama de Perke sur Flickr, ci-dessous).

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