L’un des monuments les plus photographiés de France

palais-de-l-isle
Jeudi 26 novembre 2009, 23h20, Annecy. Après le vernissage de l’exposition Poétique du chantier au Musée-Château d’Annecy (où il n’est pas possible de photographier). On dit que le Palais de l’Isle (les vieilles prisons) à Annecy est « l’un des monuments les plus photographiés de France » (D’après une recherche sous Google, cette  expression lui semble attachée exclusivement). Une photo comme contribution aux calendriers ou plutôt, maintenant, aux fonds d’écrans. Mieux : les Moments de Jean-Jacques Rousseau y ont été exposés en 2002.

nuitL’une des innombrables photos du Palais de l’Isle.

Pourquoi vous la prenez ?

Ce jeune homme qui fume, appuyé sur sa Kangoo flambant neuve marquée Ricoh*, demande : « Pourquoi vous la prenez ? ». Réponse : « Moi aussi je travaille pour Ricoh […] ».

ricoh-ledru
Vendredi 7 août 2009, vers 18h, faubourg Saint-Antoine.

* Compagnie japonaise du secteur de la photocopie, des imprimantes et, secondairement, de la photographie, créée en 1936, employant actuellement 83 000 personnes dans le monde, présente dans plus de 150 pays.

Voir le billet « Super normal » du 11 juillet 2008.

Hypothèse de l’hypoténuse

closed
Londres, Denman Street (Piccadilly), vendredi 26 juin 2009, 19h.

fragile
Londres, Duke of York Street (entre Piccadilly et Pall Mall), samedi 27 juin 2009, 14h20.

L’hypothèse de l’hypoténuse consiste à généraliser le constat que, dans l’activité de prise de vue, on commence par saisir le sol qui est devant soi, comme pour vérifier que ce que l’on photographie appartient au même monde que ce qui nous porte.

1944-2009, Culoz

En décembre 2008, quand le magazine Life (dont la parution avait cessé depuis 1972) a décidé de mettre en libre accès sur Internet l’essentiel de son fonds photographique, dix millions de clichés sur Google, on a pu découvrir un reportage de Carl Mydans, dont la photo ci-dessous. Gertrude Stein et Alice Toklas, avaient choisi, bien que juives et de nationalité américaine, de ne pas quitter la France pendant l’Occupation. D’abord réfugiées à Belley, dans l’Ain, elles durent s’installer à Culoz en 1942. Jusqu’à la Libération en septembre 1944. 65 ans après, il est intéressant de retrouver et de photographier le lieu de cette photographie. Il s’agit de la rue Henry Dunant, tout près du Clos Poncet, la grande maison où séjournèrent Gertrude Stein et Alice Toklas.

gs
Carl Mydans, Liberation of Gertrude Stein. Author Gertrude Stein (R) walking with Alice B. Toklas (L) and their dog. Septembre 1944, Culoz (Ain).

chien_culoz
Culoz, rue Henry Dunant, jeudi 23 avril 2009, 17h.

mur_culoz
Il est impressionnant de constater à quel point ce pan de mur est resté égal à lui-même.

enfants_culoz
Sous un autre angle, on situe mieux le paysage. Les enfants n’ont ni sandalettes (on disait comme ça), ni galoches.

poncet_culoz
Culoz, le Clos Poncet.

minuit_toklasAlice Toklas, Le Livre de cuisine, Minuit, Paris, 1981,
traduit de l’anglais par Claire Teeuwissen.

C’est l’occasion de lire ou de relire dans Le Livre de cuisine d’Alice Toklas, des passages ayant trait à ce moment.

p. 201, 202
Puis, nous les Américains, sommes entrés en guerre. Notre propriétaire, un officier de l’armée française, nous a demandé de lui rendre la maison et nous avons été obligées de déménager. Nous avions le cœur brisé à l’idée de devoir quitter Bilignin. Des amis nous ont trouvé une maison à Culoz et nous y avons emménagé le jour où les Allemands, occupant la zone sud, sont entrés dans Belley. À Culoz, nous allions être moins favorisées. Nous ne connaissions personne dans le village et la campagne environnante était moins riche. Il y aurait seulement davantage de bon vin blanc sec. La grande propriété n’avait pas de potager. Il faudrait recommencer à zéro. Il y avait deux domestiques dans la maison, dont une très bonne cuisinière, qui a tout de suite annoncé qu’elle ne pouvait pas cuisiner avec les maigres ingrédients que fournissaient les tickets de rationnement. Je lui ai dit que le marché noir les compléterait en grande partie, mais cela ne l’a pas encouragée. Elle était vieille, fatiguée et pessimiste. C’était donc moi qui faisais la plus grande partie de la cuisine, tandis qu’une excellente cuisinière restait assise à mes côtés, indifférente, inerte et trop découragée pour faire attention quand j’essayais de lui montrer comment préparer un Pain de veau rationné. […] Continuer la lecture de 1944-2009, Culoz

Le punctum Adam


Jeudi 30 octobre 2008, entre 16 et 17h, 48 rue du Casino, Aix-les-Bains.

Aix-les-bains, qui fut capitale d’une certaine élégance de riche, du petit-bourgeois sous influence aristocratique et donc littéralement snob, conserve un tout petit nombre de ses lieux. La chemiserie, confection pour homme, Adam n’a pas bougé depuis un demi-siècle, ni le décor, ni les vêtements. Le patron, âgé, est en général dans l’arrière du magasin. À travers la porte vitrée, on peut photographier sans déranger personne. Sur la photo, un détail, qui ne s’impose pas d’emblée, mais qui, une fois repéré, détourne à lui seul le sens de l’image, pourtant saturée de détails. Vérification du punctum dont Roland Barthes faisait la clé de la lecture de la photographie (ce point qui nous poigne et nous point, c’est de là que l’œuvre regarde le spectateur). C’est à voir, car ce détail médusant, le point le plus lumineux de l’image, pourrait être aussi le signifiant le plus ostensiblement « obvie » d’un décor qui, en l’occurrence, est incontestablement barthésien. Mais Aix n’est tout de même pas Biarritz.


Affiche de Pierre Bernard, Centre Pompidou, 2003