Vendredi 5 août 2011, 20h45, sur ma table, sous la lampe Luxo, devant l’écran Apple 27 pouces. Luxun, écrivain révolutionnaire (1881-1936) est de ceux que la culture chinoise contemporaine a intérêt à conserver. La statuette, datée de 1972, achetée à Canton en 1974 par L. (pour être exposée au Musée d’art moderne de la Ville de Paris : Images du peuple chinois, 20 mars — 27 avril 1975) est une porcelaine Shiwan (专著, célèbre depuis la dynastie des Qing, 1644-1911, spécialisée dans la représentation de personnages), fabriquée à Foshan, près de Guangzhou (Canton). Son style est à rattacher au « réalisme » laudateur de ces années-là, qui est sans conteste éloigné du personnage réel, plutôt libertaire. Dans le stockage, pourtant attentif, la main droite a été cassée, mais elle vient ici d’être recollée sans que ce soit visible. La cigarette, un fin rouleau de papier, est conforme à l’original. Il convient de la restituer et non de la supprimer comme cela a été fait en 1996 sur une célèbre photo de l’auteur de La Condition humaine, Malraux (Gisèle Freund, 1935) — point commun : le Shanghai de la fin des années vingt.
Note 1 : On trouve le nom de Liu Zemian (刘泽棉, 1937 – ) comme auteur de cette statuette conservée au Victoria & Albert Museum à Londres (China, room 44, case 30, Museum no. FE.66-1984). Ses biographies font apparaître une certaine connivence avec les autorités. Mais c’est le sort qu’ont connu les artistes et artisans de sa génération. Il faut préciser que sa spécialité est désormais l’iconographie bouddhiste.
Liu Zemian.
Note 2 : Yu Hua, écrivain chinois traduit et publié chez Actes Sud (il est l’auteur de Brothers), consacre l’un de ses dix mots de La Chine en dix mots, 2010 (traduit par Angel Pino et Isabelle Rabut, inédit en Chine), à Luxun. Voici deux extraits de ce chapitre :
Le « Lu Xun » de l’époque n’était plus l’écrivain hautement controversé qu’il avait été de son vivant. La tempête d’attaques qu’il avait essuyée autrefois s’était éloignée et comme un ciel lavé après la pluie le « Lu Xun » d’alors brillait de tous ses feux. Ce n’était plus un écrivain, c’était un mot, un mot qui représentait la vérité éternelle et la révolution éternelle. (p.135)
C’est probablement ce qui a été sa chance, mais aussi son malheur. Sous la Révolution culturelle, « Lu Xun » a cessé d’être un nom d’écrivain pour devenir un terme politique à la mode, et dès lors ses œuvres pénétrantes et pleines d’esprit ont été elles aussi noyées sous les lectures dogmatiques. (p. 146)
Couverture : Zhang Xiaogang, Amnesia and Memory n°1, 2007.
Voir : https://jlggb.net/blog2/?p=4355 et http://jlggb.net/blog/?p=5939.