Manet, avant, après



Dimanche 19 juin 2011, 11h30-13h30, Musée d’Orsay, Paris, exposition Manet, inventeur du Moderne. Pourquoi ne peut-on pas photographier les œuvres de Manet (et rien d’autre dans ce musée) ? Pour protéger les droits des photographes habilités ? Dommage. Peut-être même scandaleux. Pour contredire ça, voir le site du Musée d’Orsay et les nombreuses et bonnes reproductions disponibles : http://www.musee-orsay.fr/. C’est que, pour raconter cette visite, il faudrait actionner des images autant que des mots. Photographier des détails, faire des rapprochements. Il est vrai que les images ne seraient pas nécessairement des « reproductions » des peintures, pastels et dessins d’Édouard Manet (et aquarelles, celles qui sont sur des lettres, très belles). Au moment de partir du 93bis, une photo très rapide des pêches qui sont sur la table, avec l’idée de compenser ce qu’on ne pourra pas prendre. Au retour, l’intention d’approcher le sensitif, l’incisif, l’intensif perçus chez Manet, l’apparente simplicité du Citron, déjà vu fin 2000 dans l’exposition Manet. Les natures mortes, dans le même musée : « Le citron, qui revient comme un leitmotiv dans l’œuvre de Manet, en référence à la peinture hollandaise du XVIIe siècle, apparaît ici dans toute son individualité, comme un sujet de pure délectation d’une modernité éblouissante. » Moderne ? On croît avoir tout dit. Mais encore ?


Au retour, cette pêche, j’ai essayé de la décadrer, de la prendre de loin, comme par inadvertance, de la placer sur une assiette grise incertaine. Au mieux, une photo pour fiche de cuisine. De la présence haptique, certes, mais rien de cette « maladresse », de la proximité et de la distance combinées qu’on admire chez Manet. À ce jeu, la peinture est inégalable. D’ailleurs, Manet est un peintre d’histoire, un peintre politique. Voir L’Évasion de Rochefort, mais aussi Berthe Morisot au bouquet de violettes : «Le portrait, que vous avez de Berthe Morisot en 1872, c’est un portrait de deuil de la Commune et, en même temps, l’espérance ! » (Philippe Sollers, L’Infini, printemps 2011). Le citron de Manet, ses poires, ses pêches, ses asperges, ses fleurs, ce sont des actes de peinture — comme on dit des actes de langage — qui transforment le réel.


Édouard Manet, Le Citron, 1880 (14 x 22 cm), Musée d’Orsay, © photo musée d’Orsay/rmn.


Édouard Manet, L’Évasion de Rochefort, 1881 (143 x 114 cm), Kunsthaus, Zurich, (dr).


Édouard Manet, Berthe Morisot au bouquet de violettes, 1872 (55 x 40 cm), Musée d’Orsay, © photo dist. RMN-Patrice Schmidt (Libération).

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