Jeudi 31 octobre 2013, 17h15, col de la Forclaz, Valais, Suisse, entre Martigny et Chamonix, altitude 1 526 m. Même si l’on ne cadre pas de sommets, c’est un ciel de montagne.
Mois : octobre 2013
Si jamais
Jeudi 31 octobre 2013, 12h. La place du marché à Vevey, que nous avions déjà visitée, il y a des années, pour y repérer la maison de Madame de Warens. Soleil très vif pour cette fin octobre sur la Riviera, et l’envie de s’installer à l’abri de la bise à la terrasse du café Le Sunset. Allant au bar pour commander deux cafés, on entend la serveuse dire : « Service dehors, si jamais. » Cette tournure typique du français de Suisse romande m’est familière. Mais elle me surprend toujours par le goût de reproche qu’elle laisse. Ici j’entends : « Si vous voulez être à la terrasse, pourquoi ne vous installez-vous pas à attendre pour commander ? ». « Si jamais », ce n’est jamais que « au cas où ». Mais le suspens est troublant. J’ai connu Si jamais je te pince !… (de Labiche), et tous les si jamais suivis de quelque chose. L’ellipse est pourtant très efficace. Jamais n’est pas que l’envers de toujours, comme dans « Ne travaillez jamais ! ». Jamais est une variable qui prend son sens, positif, négatif, hésitant, au sein de la phrase et de l’énonciation. Jamais est un moment quelconque, une éventualité dans le temps, mais verse par nature dans le négatif, même sans négation préalable : « Jamais de la vie ». Pourtant, il y a le jà (comme déjà) et le magis (plus, davantage), qui fondent, par exemple, « À jamais ». Jamais, avec si, s’échappe dans le virtuel.
La chute d’eau
Jeudi 31 octobre 2013, 10h45. Au-dessus du lac Léman, entre Lausanne et Vevey, au cœur du vignoble de Lavaux, le village de Chexbres, la cascade du Forestay à Bellevue. Elle est à l’origine de la dernière œuvre de Marcel Duchamp, Étant donnés : 1° la chute d’eau, 2° le gaz d’éclairage, 1946-1966. Du 5 au 9 août 1946, Marcel Duchamp séjourne, en compagnie de Mary Reynolds, à l’hôtel Bellevue, tout proche. Notre contribution à l’exégèse d’Étant donnés, c’est d’avoir fait en 1994 (en préparant Moments de JJR) l’hypothèse que l’intérêt de Duchamp pour Rousseau, renforcé par toutes les marques de Rousseau dans la région, a pu le fixer sur la cascade, figure rousseauiste s’il en est. Voir : « Le mémoratif réflexe » du 7 mars 2012, http://jlggb.net/blog3/?p=1608. Et aussi : Stefan Banz (éd.), Marcel Duchamp and the Forestay Waterfall, JRP|Ringier, 2010, http://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=1902.
La Chute
Penser à la couleur
Mercredi 30 octobre 2013, 13h50, Genève. Au Volt Bar, rue de l’École-de-Médecine, ce qui se présente est comme un rappel : penser à la Couleur des jours. Faire ce blog avec des visites et des archives ne suffit pas, il faut des notations. Voir : http://jlggb.net/blog3/?p=6432; http://jlggb.net/blog3/?p=5996; http://jlggb.net/blog3/?p=5386; http://jlggb.net/blog3/?p=4650; http://jlggb.net/blog3/?p=3684; http://jlggb.net/blog3/?p=1533.
Soba choko : production
Dimanche 27 octobre 2013. Retour sur les « soba choko » (2). La tasse est ici non peinte et avant cuisson, nettement plus grande qu’elle ne sera après être passée au four : 85 mm, 65 mm, 70 mm (la photo est à la même échelle que celles ci-dessous). C’est peut-être là ce qu’on nomme au Japon forme parfaite, devenue impersonnelle dans sa perfection. Il faudrait engager une production expérimentale, qui laisserait résolument inchangées la forme en tronc de cône, ses proportions et même ses dimensions, mais qui chercherait une façon programmée et automatisée de croiser un vocabulaire de motifs populaires historiques et la sensibilité des lignes au pinceau. L’accent serait mis sur des pièces uniques mais dans le registre d’une variation obtenue par un branchement sur le corps, sur la main, qui renverrait donc ironiquement à celle du « fait main ». C’est ce qui me vient à l’idée à partir de cette ébauche qui m’a été donnée à l’atelier Dainichi le 26 septembre dernier, dont on peut penser qu’elle provient elle-même d’une fabrication par moulage mécanisée.
Soba choko : collection
Dimanche 27 octobre 2013. Retour sur les « soba choko » (1). On voit ici un choix de deux séries de quatre de ces tasses, dont on rappelle qu’elles sont en principe destinées à manger les pâtes de soba (sarrasin) en les trempant dans le bouillon qui les accompagne. Les premières sont du four Keizan à Arita (le berceau de la porcelaine japonaise venue de Chine et de Corée, et en particulier de la porcelaine blanche et bleue) : la porcelaine est très blanche, légèrement bleutée et transparente. Les dernières sont du four Dainichi, dans un village proche : la porcelaine est un peu plus épaisse et plus rustique. Les dimensions sont comparables : 75 mm de diamètre en haut, 60 mm de diamètre en bas, 60 mm de hauteur. La décoration est peinte au pinceau à la main avant cuisson, ce qui donne un bleu sous glaçure sur fond blanc. Les motifs de ces deux séries s’apparentent à la tradition populaire (soulignée par le mouvement Mingei), avec une tendance plus marquée à Dainichi. On a vu dans les visites documentées dans des billets précédents que l’atelier Keizan est de taille moyenne alors que l’atelier Dainichi est de trois personnes. La forme en tronc de cône — un gobelet « démocratique » car il permet l’empilement — a historiquement connu, et peut connaître, des variantes. Mais elle donne à toute collection de soba choko une unité étonnante. La variation extrême des motifs dans l’unité de la forme est, de façon certaine, la source d’une vocation à la collection qui est avérée par les ouvrages qui leur sont consacrés (voir : http://jlggb.net/blog/?p=133). Dans les magasins d’ateliers, cette variation est souvent mise en scène et stimule l’acquisition et la collection.
Flying Saucers
Qu’est-ce qu’un mouchoir ?
Vendredi 25 octobre 2013, 15h, Nantes. Au Lieu unique, une exposition à l’initiative de Patrick Bouchain (qui fut l’aménageur de cette ancienne fabrique de biscuits et, parmi nombre de réalisations, du théâtre de Gennevilliers cité précédemment) dédiée aux architectes, urbanistes et paysagistes Simone et Lucien Kroll. Difficile de photographier une exposition faite de documents et d’événements. On s’intéresse à l’envers du décor, comme on l’avait travaillé dans nos expositions Image calculée (1988), Artifices (1992), etc., Jouable (2004) : les châssis, faits de battants — termes professionnels du théâtre — emploient ces triangles de contreplaqué comme renforts de l’équerrage que l’on nomme mouchoirs.