La poire et la pomme

pommes-poires
Mardi 5 novembre 2013, 23h30, 93bis. Fruits bios (poires de l’Hérault, pommes du Vaucluse) achetés à Monoprix, 20 boulevard de Charonne, Paris, 20e.

Nos arbres fruitiers, quoique greffés, gardent dans leur fructification tous les caractères botaniques qui les distinguent, et c’est par l’étude attentive de ces caractères, aussi bien que par les transformations de la greffe, qu’on s’assure qu’il n’y a, par exemple, qu’une seule espèce de poire sous mille noms divers, par lesquels la forme et la saveur de leurs fruits les ont fait distinguer en autant de prétendues espèces, qui ne sont au fond que des variétés. Bien plus, la poire et la pomme ne sont que deux espèces du même genre, et leur unique différence bien caractéristique est que le pédicule de la pomme entre dans un enfoncement du fruit, et celui de la poire tient à un prolongement du fruit un peu allongé.
Jean-Jacques Rousseau, Lettres sur la botanique à Madame Delessert, 1771-1773, « Lettre VII Sur les arbres fruitiers »

Voir les suites : http://jlggb.net/blog4/?p=2998 et http://jlggb.net/blog6/2018/10/04/deux-especes-du-meme-genre-ter/

La chute d’eau

chexbres cascade 2013
Jeudi 31 octobre 2013, 10h45. Au-dessus du lac Léman, entre Lausanne et Vevey, au cœur du vignoble de Lavaux, le village de Chexbres, la cascade du Forestay à Bellevue. Elle est à l’origine de la dernière œuvre de Marcel Duchamp, Étant donnés : 1° la chute d’eau, 2° le gaz d’éclairage, 1946-1966. Du 5 au 9 août 1946, Marcel Duchamp séjourne, en compagnie de Mary Reynolds, à l’hôtel Bellevue, tout proche. Notre contribution à l’exégèse d’Étant donnés, c’est d’avoir fait en 1994 (en préparant Moments de JJR) l’hypothèse que l’intérêt de Duchamp pour Rousseau, renforcé par toutes les marques de Rousseau dans la région, a pu le fixer sur la cascade, figure rousseauiste s’il en est. Voir : « Le mémoratif réflexe » du 7 mars 2012, http://jlggb.net/blog3/?p=1608. Et aussi : Stefan Banz (éd.), Marcel Duchamp and the Forestay Waterfall, JRP|Ringier, 2010, http://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=1902.

Un véritable air de fête

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Samedi 16 mars 2013, 13h30, Genève. La plaine de Plainpalais, complètement reconstruite, est d’apparence un peu trop lisse. Mais c’est là que je situe ce que dit Rousseau de la fête, avec « un véritable air de fête », cette phrase extraordinaire :

Mais quels seront enfin les objets de ces spectacles ? Qu’y montrera-t-on ? Rien, si l’on veut. Avec la liberté, partout où règne l’affluence, le bien-être y règne aussi. Plantez au milieu d’une place un piquet couronné de fleurs, rassemblez-y le peuple, et vous aurez une fête. Faites mieux encore : donnez les spectateurs en spectacle; rendez-les acteurs eux-mêmes; faites que chacun se voie et s’aime dans les autres, afin que tous en soient mieux unis.
Lettre à d’Alembert sur les spectacles

Lumières de Rousseau


Jeudi 11 octobre 2012, 20h. Dans l’exposition « leurs lumières » au Centre culturel de rencontre de l’Abbaye de Saint-Riquier, la version Lumières de Rousseau du dispositif Vigilambules, déjà employé à Kyoto et à Genève. Cette fois, on compte sur la lumière de l’écran pour éclairer les lecteurs. Voir « Lectrice » : http://jlggb.net/blog3/?p=3891

Lectrice

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Samedi 22 septembre 2012, 21h30. Photo de l’application pour iPad « Lumières de Rousseau », pour illustrer le catalogue de l’exposition « leurs lumières », en préparation. Miki dans le rôle de la lectrice. À nouveau, sur la lisibilité du monde.

Les rayons du soleil levant rasaient déjà les plaines, et projetant sur les champs par longues ombres les arbres, les coteaux, les maisons, enrichissaient de mille accidents de lumière le plus beau tableau dont l’œil humain puisse être frappé. On eût dit que la nature étalait à nos yeux toute sa magnificence pour en offrir le texte à nos entretiens.
Jean-Jacques Rousseau, « Profession de foi du vicaire savoyard », Émile.

28 juin 1712



Jeudi 28 juin 2012, Panthéon, Paris 5e, inauguration de l’exposition Jean-Jacques Rousseau et les Arts pour le 300e anniversaire. L’invitation est au nom du président du Sénat, de la ministre de la Culture, de la présidente du Centre des monuments nationaux, de l’administrateur du Panthéon. Mais il semble qu’il n’y ait pas eu de discours (ni de musique). Du champagne à volonté et pas mal de petits-fours salés, puis sucrés. On cherche en vain une relation à la fête rousseauiste. Une petite foule dans laquelle nous ne connaissons personne et dont, à vrai dire, on se demande qui la compose. Deux volumes autographes pour la Maréchale de Luxembourg de La Nouvelle Héloïse sont exposés, avec leurs dessins originaux par Moreau le Jeune. Rousseau et le dessinateur rivalisent de finesse et d’élégance dans le trait : « monuments » magnifiques. Le buste en terre cuite daté de 1779 par Jean-Antoine Houdon (Musée du Louvre) est d’une présence extraordinaire, on peut le photographier comme un visage vivant. Des cartes à jouer où Rousseau a inscrit des ébauches des Rêveries sont prêtées par Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel. On avait eu l’occasion de les toucher en les reproduisant, en 1999, pour les besoins du CD-Rom Moments de Jean-Jacques Rousseau (Gallimard, 2000) — sans utiliser ces prises de vues, finalement. Au dos de cet as de trèfle :

La honte accompagne (ordinairement, biffé)
l’innocence, le crime ne la connaît plus.

Je dis tout naïvement mes sentiments, mes opinions,
quelque bizarres, quelque paradoxales qu’elles puissent être;
je n’argumente ni ne prouve parce que je ne cherche à persuader personne et
que je n’écris que pour moi.

Rue de la Nouvelle Héloïse


Vendredi 4 mai 2012, 16h, à l’angle de la rue de la Nouvelle Héloïse et de la rue du Contrat social à Genève. Dans le quartier Saint-Jean, où neuf rues sont nommées en référence à Rousseau et à ses œuvres, un dispositif sur iPad permet de détecter la présence de ses livres dont les plaques de rues sont comme les couvertures (Rue des Confessions; Rue du Contrat social; Rue du Vicaire savoyard, Sentier du promeneur solitaire; Avenue du Devin du village; Rue d’Ermenonville; Avenue de Warens; Rond-point Jean-Jacques; Rue de la Nouvelle-Héloïse). L’image et la voix de la lectrice ou du lecteur sont retransmises à un deuxième iPad à quelque distance. Les performeuses et performeurs sont des élèves du collège Rousseau. Le projet est organisé par la Haute école d’art et de design. Pendant trois jours, il est basé à la galerie LiveInYourHead, dans le quartier « Rousseau ».
À ce moment là, le texte lu est :

Parmi les rochers de cette côte, j’ai trouvé, dans un abri solitaire, une petite esplanade d’où l’on découvre à plein la ville heureuse où vous habitez. Jugez avec quelle avidité mes yeux se portèrent vers ce séjour chéri. Le premier jour je fis mille efforts pour y discerner votre demeure ; mais l’extrême éloignement les rendit vains, et je m’aperçus que mon imagination donnait le change à mes yeux fatigués. Je courus chez le curé emprunter un télescope, avec lequel je vis ou crus voir votre maison ; et depuis ce temps je passe les jours entiers dans cet asile à contempler ces murs fortunés qui renferment la source de ma vie.
La Nouvelle Héloïse, Première partie, Lettre XXVI à Julie

Voir : « Des rues nommées Rousseau » du 8 mars 2011.

Rond-Point Jean-Jacques


Jeudi 3 mai 2012, 13h, le rond-point Jean-Jacques, Genève. Dans ce quartier où les rues sont nommées à partir de Rousseau, c’est comme un centre. Probablement, personne n’y habite. Les cartes ne le mentionnent pas. Toujours est-il qu’il est en chantier, dans une confusion (en vérité très active) qui est comme un hyper-monument, avec son mât de fête rousseauiste.

On a de tout avec de l’argent, hormis des mœurs et des citoyens


Mardi 1er mai 2012, 16h40, boulevard Saint-Germain, place Maubert, Paris. Manifestation du 1er mai, le théâtre du Soleil.

« D’autres maux pires encore suivent les lettres et les arts. Tel est le luxe, né comme eux de l’oisiveté et de la vanité des hommes. Le luxe va rarement sans les sciences et les arts, et jamais ils ne vont sans lui. Je sais que notre philosophie, toujours féconde en maximes singulières, prétend, contre l’expérience de tous les siècles, que le luxe fait la splendeur des États; mais après avoir oublié la nécessité des lois somptuaires, osera-t-elle nier encore que les bonnes mœurs ne soient essentielles à la durée des empires, et que le luxe ne soit diamétralement opposé aux bonnes mœurs? Que le luxe soit un signe certain des richesses; qu’il serve même si l’on veut à les multiplier : Que faudra-t-il conclure de ce paradoxe si digne d’être né de nos jours; et que deviendra la vertu, quand il faudra s’enrichir à quelque prix que ce soit? Les anciens politiques parlaient sans cesse de mœurs et de vertu; les nôtres ne parlent que de commerce et d’argent.[…] On a de tout avec de l’argent hormis des mœurs et des citoyens. »
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur les sciences et les arts

Polychromie classique



Mardi 3 avril 2012, 17h50, café A Jean Nicot, 173 rue Saint Honoré, Paris 1er. Je me souviens de ce café au milieu des années 80. Un décor volontairement laissé dans son jus années 50-60, avec quelques rajouts factices. Le plafond avec ses arabesques de stuc et de néons se reflétant dans les murs-miroirs et le sol en cassons de grès cérame font authentiques. La polychromie est un classique que nous repérons régulièrement : le vert et le rouge qui donnent l’ocre-orange, assortis de brun et de gris. Voir, par exemple, « Polychromie vernaculaire » : http://jlggb.net/blog/?p=239 et le mur de Pompéi conservé au Louvre : http://jlggb.net/blog2/?p=3090
Note : Rousseau a habité dans le coin, y compris quand il intervenait dans le débat musical. Si l’on résume sa position en disant qu’il préfère la mélodie à l’harmonie, la ligne à la couleur, on peut trouver ce café plutôt rousseauiste : la polychromie y est gouvernée par les lignes.