Spirale de plumes

rouleau branly
Samedi 31 août 2013, 18h40, Musée du quai Branly, exposition permanente.

Rouleau de monnaie tevau, Îles Santa Cruz, début du XXe siècle. Plumes de pigeon, plumes de muzomela cardinalis, fibres d’hibiscus, écaille de tortue, coquillages, perles de verre. D’une longueur proche de dix mètres, cette monnaie est constituée de centaines de plumes collées en plaquettes, fixées sur une trame de fibres tressées. Elle servait, entre autres, à l’achat d’une épouse. Sa valeur se mesurait à son effet rougeoyant. [Cartel]

Visiter Alep

alep branly
Samedi 31 août 2013, 18h20, Musée du quai Branly, exposition permanente. Manteau de femme qombaz, Syrie, étoffe tissée à Alep, satin ikaté, soie, coton (l’ikat est un procédé de teinture partielle appliquée aux fils avant tissage) : raffinement et technique ancienne savante. Longtemps j’ai imaginé aller visiter la ville d’Alep dont le centre historique a été classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 1986.

L’invention d’un air de famille

homme branly ratton
catalogue branly ratton
fondus branly ratton
Samedi 31 août 2013, 18h, Musée du quai Branly, exposition Charles Ratton. L’invention des arts « primitifs ». Charles Ratton (1895-1986) travaille à faire reconnaître les arts non-occidentaux. Il n’entre pas dans la dénonciation du colonialisme mais il coopère avec les surréalistes qui signent en mai 1931 le manifeste « Ne visitez pas l’exposition coloniale » (Breton, Éluard, Péret, Sadoul, Crevel, Aragon, Char, Tanguy, etc.) ou encore au film Les Statues meurent aussi d’Alain Resnais et Chris Marker, sorti en 1953 mais interdit pendant 10 ans (à voir ici : http://www.youtube.com/watch?v=AycfGQf2MUQ).
L’« Exposition surréaliste d’objets » qui se tient dans sa galerie en mai 1936 impose une juxtaposition destinée à produire un « air de famille » entre des œuvres d’artistes surréalistes (y compris Marcel Duchamp), des objets étonnants « naturels » ou « perturbés » et des œuvres d’« art sauvage ».
Figure du pouvoir Nkisi : homme agenouillé, Congo XIXe-XXe siècle, collection du Metropolitan Museum of Art.
Catalogue de L’« Exposition surréaliste d’objets », galerie Charles Ratton, 1936.
Verres déformés par l’éruption de la montagne pelée à Saint-Pierre, Martinique, en 1902, collection Musée du quai Branly.

L’empreinte photographique

notre-dame-parapet
notre-dame-photo
Mercredi 28 août 2013, 17h15, pont Saint-Michel, Paris. L’essentiel de la théorie de la photographie qui s’est formulée dans les années 80 reposait sur la notion d’empreinte qui pouvait l’assimiler à l’indice selon Peirce. Aujourd’hui, parce qu’on récuse la réduction de la photographie à une trace qui relève directement de l’objet qu’elle désigne, on voudrait s’en passer. Il n’empêche. Mais il s’agit ici d’une autre empreinte : l’usure, le poli extraordinaire de toute une zone de la pierre du parapet, là où l’on se pose, là où l’on s’appuie pour prendre une vue de la cathédrale et de la Seine. Cette observation me vient d’un cours sur la « photographie conceptuelle » que nous faisions, dans les années 80 précisément, à Saint-Denis, qui s’intéressait aux dispositifs, aux circonstances et aux déterminations de la saisie photographique.
— Ceci est le 500e post de jlggbblog3 — qui doit s’achever le 30 novembre 2013.

Pouvoir couvrant

bouvier mur
bouvier interdit
Mercredi 28 août 2013, 13h15, rue Bouvier, Paris 11e. Série de superpositions et de palimpsestes dans les billets de cet été. Il y a dans cette rue un très grand mur qui a été le support d’une fresque « officielle », de style enfantin. Puis se sont succédé, pendant des années, des tags, des graphes, assez originaux et réussis, parfois très grands. Puis est venue une interdiction inscrite sur un panneau, une « tolérance zéro » conduisant à de fréquentes couches de recouvrement. Situation paradoxale et amusante, c’est en arrachant ces couches de peinture (plusieurs dizaines) qu’on crée de nouveaux motifs. Celui-ci, de petite taille, spécialement pour la photo.

Nourrir un blog

panna cotta U
Mardi 27 août 2013, 23h30, 93bis. Rien de politique cette fois (« Enfin un dessert normal ! » du 6 mai 2012 traitait du Flanby). Une manière, libre de toute métaphore, de rentabiliser le dispositif des sardines, qui est resté en place. La Panna cotta, sur lit de caramel vient de la supérette U voisine (2,35 € les deux). L’assiette creuse en porcelaine est de Jasper Morrison pour A di Alessi.
« Prendre la nourriture en photo pourrait être la manifestation d’un véritable problème psychologique », cette affirmation de Mme Valerie Taylor, chef du service de psychiatrie au Women’s College Hospital à l’université de Toronto, a été relayée par tous les médias au mois de mai dernier, par exemple par un article du HuffPost. Un site, lancé en mars 2012, avait proposé d’augmenter le phénomène en collectant sur Tumblr les Pictures of Hipsters Taking Pictures of Food. Autre constat, relevé au hasard de Google : http://www.amelie-broutin.com/2012/01/03/le-mystère-de-la-bouffe-sur-facebook/. La question avait été signalée le 27 mars 2011 dans le billet « Minimalisme alimentaire ». Sans entrer dans l’analyse de cette pratique de masse (la population de ceux qui ont à manger tendrait à coïncider avec celle de ceux qui ont toujours un appareil sur eux), que chacun peut constater, j’y vois le degré zéro d’« alimentation du blog ». Ce que j’ai devant moi pour le manger est la preuve de mon existence. Le photographier est une manière, pas uniquement narcissique, de l’ingérer tout en le donnant à voir. Philippe Lejeune a souligné que Le Pacte autobiographique (Seuil, 1975) se définit par le type de lecture qu’engendre l’autobiographie. Dès 2000, avec « Cher écran… ». Journal personnel, ordinateur, Internet (Seuil), il analyse l’apparent paradoxe du cyberdiariste pour qui le web est un dispositif intime d’écriture. Je le constate, le couple technique photo mobile et journal partagé en réseau est insatiable.

Épissure tactique

epissure
Dimanche 25 août 2013, 18h, 93bis. Pour introduire les fils électriques dans la gaine qui sera elle-même introduite dans le doublage des murs, il faut trouver une tactique d’accrochage au fil d’acier qui ne produise pas de surépaisseur. C’est à ce prix seulement que les trois conducteurs de 2,5 mm2 de section, qui sont de récupération et donc difficiles à redresser, pourront être tirés dans le tube en plastique annelé de 20 mm de diamètre, sur quelque 4 mètres de longueur.

Sardines en boîte

sardine boite
Samedi 24 août 2013, 23h30, 93bis. Les sardines en conserve sont à la mode. On parle des 200 ans des conserveries bretonnes, des « sardines de garde », des « sardines millésimées », etc. Cet été, long reportage dans l’émission Capital, article dans Le Monde Magazine, clip publicitaire sur « C’est extra » de Léo Ferré (les fans se sont offusqués, oubliant deux choses : qu’en 1969 Ferré surprend en déplaçant un mot dont use la publicité; et qu’extra appartient au vocabulaire culinaire). De mon enfance, une chose est restée dans un coin de ma tête, un malaise non éclairci : on nous citait un restaurant de grand luxe (Pic à Valence) où l’on pouvait commander des sardines en conserve, mais qu’alors elles étaient servies dans leur boîte. Je prenais ça pour du cynisme, une façon pour le restaurateur de se moquer du pauvre client, ou alors pour du snobisme de la part du client. J’ai vu depuis que, par exemple chez Lipp, on vous les sert dans leur boîte renversée sur une assiette. C’est peut-être cette histoire de High and Low qui m’intéresse et qui réveille la poétique de la boîte de sardine. La marque Connetable insiste sur sa boîte rouge. On voit qu’elle devient un cadre, d’autant que l’opération de mise en conserve est une mise à plat. Avant même d’être photographiée, c’est une image. C’est remarquable dans les photos de Wols, cette mise à plat relève de la pesanteur. On est bien obligé, sinon l’huile coule.

wols sardines clair
Wols (1913-1951), photographie non datée (probablement à Paris vers 1937, pendant la guerre, à Dieulefit, Wols n’avait pas d’appareil) prise dans le livre : Laszlo Glozer, Wols Photograph, Schirmer/Mosel, Münich, 1978, pl. 69 et Wols Photographe, Centre Georges Pompidou, 1980, pl. 69. [dr]