avril 2009

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Samedi 11 avril 2009, 15h15. Dans le parc de l’ancien Climatérium de Corbières à Pugny-Chatenod, Savoie (voir le billet Climatérium), un très grand conifère (lequel ?) a été scié. Il faudrait le regarder de très près, ce doit être possible de compter les cercles de ses années. Les arbres sont des monuments — monumentum, ce qui fait se souvenir, ce qui garde la mémoire. Du monument dressé au monument comme diagramme du temps, on peut finalement préférer ce dernier, pour sa planéité, pour sa lisibilité. Et pour l’allusion à la coupe de séquoia que l’on voyait sous un abri du Jardin des plantes, avec ses petites plaques de cuivre gravées de dates et d’événements. C’est cette coupe de la base d’un séquoia, conservée au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, qui apparaît dans La Jetée :

[flv width= »500″ height= »315″]http://jlggb.net/blog/wp-flv/sequoia.flv[/flv]

« Ils marchent. Ils s’arrêtent devant une coupe de séquoia couverte de dates historiques.
Elle prononce un nom étranger qu’il ne comprend pas. *
Comme en rêve, il lui montre un point hors de l’arbre.
Il s’entend dire : « Je viens de là… » »
* Hitchcock ?
Chris Marker, La Jetée, 1962

Hitchcock ? C’est la question qu’inscrit l’auteur, dans la version livre de La Jetée. Car l’allusion circule. Elle vient à Marker de Vertigo (1958). Il en en reprendra encore la figure dans Sans Soleil et dans Immemory (1998).

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Alfred Hitchcock, Vertigo (1958).

[images extraites de : http://www.hitchcockwiki.com/wiki/1000_Frames_of_Vertigo_(1958)]

Pour dresser cette carte du temps, il a fallu scier et abattre la colonne monumentale, verticale, spatiale, de l’arbre. La carte d’un temps n’a pas besoin, comme celle d’un espace, de mimer l’horizontalité d’un sol. Après le basculement du tronc, elle peut s’affronter comme un tableau noir. Elle est sans épaisseur ou, plus exactement, son épaisseur est faite de répétitions qui sont autant de moments synchrones et distincts. Une remarque encore : les profondes cassures du tronc, comme les vagues de sa périphérie, n’affectent en rien la chronologie, immuablement concentrique. Elles disent cependant des présents différents et les sorts contraires que connaissent les souvenirs.

Note 1. Sur le sciage des troncs, voir la technique observée à Xian (Chine) en avril 2006.

Note 2. La coupe de séquoia du Jardin des plantes est retrouvée, voir le billet du 20 mai 2009.

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carte-corbieresCarte postale [dr] :
« Aix le 28 avril 04. […] L’établissement où je vais aller d’ici quelques jours. »

À 700 mètres, au dessus d’Aix-les-Bains et sous le Mont Revard, près de Pugny-Chatenod, sur le site des Corbières qui semble bénéficier d’une température douce et d’une bonne exposition au soleil, le docteur Jean Monard associé à l’entrepreneur Léon Grosse firent en 1893 le projet d’un centre de villégiature et de cure. Un bâtiment fut construit mais le projet s’arrêta en 1911. L’hôtel, ou « climatérium », devint en 1917 un établissement pour orphelines de guerre géré par une congrégation religieuse. Agrandi (partie gauche sur la photo), il restera un orphelinat jusqu’en 1970. Il y a quelques années nous est revenu le témoignage affligeant de l’une des anciennes pensionnaires. Aujourd’hui propriété d’une autre congrégation monastique, le bâtiment semble à l’abandon.

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Les Corbières, Pugny, Savoie, samedi 11 avril 2009, 15h.

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Le Nice-Savoie et la Villa des Glaïeuls, Aix-les-Bains, samedi 11 avril, midi.

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Le Nice-Savoie et le Bernascon, Aix-les-Bains, lundi 13 avril, 10h.

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couz
Tgv, vendredi 10 avril 2009, 13h15.

À la fin du mois de septembre 1731, Jean-Jacques Rousseau revient de Lyon vers Chambéry en passant par Les Échelles et la cascade de Couz :

Plus près de Chamberi j’eus un spectacle semblable en sens contraire. Le chemin passe au pied de la plus belle cascade que je vis de mes jours. La montagne est tellement escarpée que l’eau se détache net et tombe en arcade assez loin pour qu’on puisse passer entre la cascade et la roche, quelquefois sans être mouillé. Mais si l’on ne prend bien ses mesures on y est aisément trompé, comme je le fus : car à cause de l’extréme hauteur l’eau se divise et tombe en poussiére, et lorsqu’on approche un peu trop de ce nuage, sans s’appercevoir d’abord qu’on se mouille, à l’instant on est tout trempé.
J’arrive enfin, je la revois. Elle n’étoit pas seule.
Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, Œuvres complètes La Pléiade, t.I, p. 173

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Moments de Jean-Jacques Rousseau, Gallimard, 2000.

Arrivant par le Tgv à Chambéry, depuis Pont-de-Beauvoisin, il faut être attentif si l’on veut apercevoir la spectaculaire cascade de Couz. Elle surplombe la voie et apparaît dans une trouée des arbres. Filmée à plusieurs reprises et finalement le 12 juillet 1999 pour la séquence qui est dans le cd-rom Moments, elle est devenue un point de repère temporel. Cette fois, le filmage depuis le train a été lancé plus de dix minutes avant, avec un long passage dans un tunnel. Mais le train a ralenti et s’est arrêté exactement, pour la caméra, devant la cascade.

[flv width= »200″ height= »170″]http://jlggb.net/blog/wp-flv/couz.flv[/flv]

Une minute de la vidéo prise depuis le train. 10.04.2009, 12h15.

Coïncidence supplémentaire, dans les Confessions, la phrase qui suit la cascade est celle qui inspire le sous-titre de ce blog : « J’arrive enfin, je la revois. Elle n’étoit pas seule. » Elle avait aussi était mise en exergue du texte d’introduction à L’Image n’est pas seule (exposition inaugurale de la bibliothèque universitaire de Paris 8 en 1998).

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Fenêtre sur la cour, jeudi 9 avril 2009, 12h20. Elle est depuis quelque temps ressortie des placards, une petite bouteille de verre rouge épais, formée par le souffle et à la main. Elle invite à une nouvelle expérience de recherche d’identité sur le Web. Plusieurs tentatives avaient été faites, à partir des mots Sweden, vase, glass, red, sixties, etc., assortie de la recherche visuelle d’une bouteille rouge ; sans succès. Ce vase a été acheté à Stockholm en août 1963. Il s’agit donc de vérifier son inscription, 45 ans après, dans une autre mémoire que le cerveau d’une personne. Un nouvel examen de l’objet révèle, en dessous, un numéro, finement gravé à la main : H525/130. Sous Google image, H525/130 ne donne rien, ni H525. Avec H525 glass, par contre, s’affichent, dès la première page, deux vases en verre, un vert et un jaune, en forme de bouteilles, avec la mention Green engraved: H525/170, 648 x 486 – 36 ko – jpg, www.starkeld.com. C’est une indication décisive : Erik Höglund for Boda, est le point de départ de tout un dossier de documents concernant le designer et artiste suédois Erik Höglund, auquel un musée est consacré près de Stockholm : http://www.erikhoglund.com/eng-biografi.html.

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Erik Höglund (1932-1998)

h525-glassH525 glass

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Erik Höglund Kristallhytta No 102 E

ehgl086http://elephant-life.shop-pro.jp/?pid=12273473
vase(red) – elephant

À la faveur d’un temps mort, une nouvelle recherche, sur iPhone cette fois, et à partir du nom du designer, fait aparaître un site de vente japonais, intitulé Biotope (le public japonais aime beaucoup le design scandinave). Il y a des entrées par noms, dont Erik Höglund. Il y a 88 objets proposés, le 40e est une bouteille rouge, un peu plus grande que celle de 1963, mais très proche.

biotopehttp://www.biotope.biz/59/list2/

red-vase

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whiteshirt
La chemise blanche est une œuvre de Rodney Graham, artiste canadien, avec Ann Demeulemeester, styliste belge : White Shirt (for Mallarmé) Spring 1993, 1992. Elle renferme un poème en prose de Mallarmé, Le démon de l’analogie, traduit en anglais et imprimé sur une feuille de papier à aquarelle.

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L’installation, projection vidéo en diptyque est une œuvre de Harun Farocki, cinéaste et artiste allemand : Immersion, 2009. Elle restitue une série d’entretiens psycho-thérapeutiques menés par d’anciens soldats de la guerre en Irak plongés dans des jeux en réalités virtuelle reprenant les circonstances de leurs traumatismes.

Les deux artistes sont exposés simultanément dans les salles de la Galerie nationale du Jeu de Paume à Paris, ce qui suscite une certaine perplexité chez les visiteurs. Vernissage, lundi 6 avril 2009, 20h.

Citation : « La sienne [sa bête noire], c’est l’analogie. […] elle constitue le « naturel » en source de vérité […]. Lorsque je résiste à l’analogie, c’est en fait à l’imaginaire que je résiste : à savoir : la coalescence du signe, la similitude du signifiant et du signifié, l’homéomorphisme des images, le Miroir, le leurre captivant. Toutes les explications scientifiques qui ont recours à l’analogie — et elles sont légion — participent du leurre, elles forment l’imaginaire de la Science. » « Le démon de l’analogie », Roland Barthes par Roland Barthes, Seuil, 1975, pp. 48-49.

studio-henry
Le mot « devanture » collecte, sur Google images, 48 500 liens  vers des photographies (consultation limitée à 1 000) et cela donne des planches intéressantes (si la vitrine a quelque chose à exposer, la devanture s’expose et possède donc une certaine photogénie). On avait dit que le Web était comme la rue. Peut-être une raison de plus pour ouvrir une rubrique « La vie des vitrines ». Les home pages sont des devantures autant que des vitrines. La toute petite devanture du Studio Henry avait été remarquée depuis 40 ans. Et on y a assisté à la disparition des portraits qui en faisaient un lieu de conservation de cet art « bourgeois ».

google-devanture
Google. Recherche d’images pour « devanture », 4 avril 2009.

wordpress

Francis Chouquet, Amaury Balmer et Xavier Borderie, WordPress,
Pearson, janvier 2009, 360 p.

Vendredi 3 avril 2009, vers 13h, sur le chemin du retour de la librairie Eyrolles (achat d’un livre technique sur WordPress, 31,35 euros ttc, déduction faite d’une remise de 5%), l’idée vient de réaliser ce qui était en projet depuis longtemps, photographier cette devanture remarquable pour sa qualité graphique, sa visibilité et sa modernité, pour la typographie en relief de son enseigne très haute et étroite, pour l’Isorel jaune perforé des vitrines et les parements en lames d’aluminium doré.

Pour publier la photo ainsi très simplement faite, un détour par Google Maps et Street View permet de vérifier l’adresse : 4 boulevard Henri IV, Paris 4e.

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Boulevard Henri IV, quai Henri IV. Images Street View, 4 avril 2009.

Ensuite, la seule référence du Web semble se trouver dans cet article d’un blog (le mot vieux est souligné par nous) :

Îlot. Si Paris est une ville fascinante, elle peut être aussi une ville vaniteuse, perdue dans une fuite en avant épuisante, dont la meilleure illustration reste la circulation à la fébrilité douteuse. J’y cherche toujours des ilots de paix, des endroits où le flux du temps se calme, où le cœur de la ville ralentit, abandonnant sa tachycardie démente. J’en ai trouvé un, magique. C’était tout à l’heure, j’étais à l’affut d’un photographe prêt à me tirer le portrait pour mon passeport, négligeant les photomatons accueillants comme des vespasiennes de gare. J’ai trouvé le « studio henry », perdu sur une grande avenue. Une petite devanture toute désuète, rien en vitrine, juste en très grand, en lettres de bois, sur un fond de planches, façon années ’50-’60, « studio henry ». Là, un très vieux monsieur casquetté, habillé comme dans Jean Gabin ou Noël-Noël dans les Vieux de la vieille, concentré sur une vieille télévision, seul, ne réagissant même pas quand j’ai poussé la vieille porte. Des photos d’identité ? Oui, oui, c’est possible… Engoncé dans ses vieux gilets et dans son accent auvergnat, il m’a emmené dans l’arrière-boutique, sombre, sale, le platras tombant… Là, tout au fond, de vieux projecteurs fatigués égratignaient de faisceaux blafards un vieux prie-Dieu poussiéreux — pour les photos de première communion ? —, un vieux cube sur lequel je dus m’asseoir pendant qu’il me tirait le portrait à l’ancienne, la casquette toujours bien vissée, comme il le devait le faire depuis des décennies, avec un vieux Polaroid mathusalémique. « C’est comme Pagnol, ici », me dit-il, tout fier, « y a pas de grand décor », et j’acquiesçai. Je me pris à lui parler en retrouvant l’accent de ma Hesbaye natale et on a discuté d’histoire, de Moyen Age. Période merveilleuse: il devait y avoir alors une nature plus belle que jamais, des animaux partout, or, voyez-vous, me confiait-il, « je suis chasseur, et j’aurais aimé vivre au Moyen Âge ». Je n’avais jamais songé à cela, le Moyen Âge comme paradis des chasseurs. Pourquoi pas ? Il a bien le droit, Henry, de rêver de ce Moyen Âge-là! Je suis parti de là tout heureux, comme si j’avais pris dix jours de vacances loin du tumulte, tout léger, je suis sorti, avec mes photographies, bien réussies. Je lui ai promis de revenir.
http://www.medievizmes.net/document444.php

Ce blog est celui de Paul B. chercheur médiéviste (CNRS, Institut de Recherche et d’Histoire des Textes, section de diplomatique), spécialiste du traitement électronique des manuscrits et des archives. Un lien se présente vers un autre blog : http://www.lespetitescases.net/ celui de Gautier P, consultant en matière de Web sémantique ou Web3 — « un web ‘pénétrant’ qui comprend le sens des mots, les met en relation par des liens intelligents ». On va trouver aussi sa compagne, Emmanuelle B., conservateur au département de la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France, et son propre blog : http://www.figoblog.org/. On pourra se documenter, par exemple, sur la « négociation de contenu » et on aura l’image de leur enfant, etc.

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Graphe de l’Open Data Movement
. Représentation des ensembles de données qui ont été publiés et liés par le projet à ce jour, soit plus de 4,5 milliards de triplets RDF (Resource Description Framework) liés par 180 millions de liens RDF (Mars 2009).

bebeblog

Du relationnel au sémantique, de proche en proche, de la devanture sans photographies du photographe du boulevard Henri IV, on se retrouve là : http://liberfloridus.cines.fr/textes/cines.html. « Cette base recense les manuscrits enluminés issus des fonds des bibliothèques Mazarine et Sainte-Geneviève. Elle représente près de 1 600 manuscrits et 31 000 images, toutes consultables par feuilletage. »

c022896
Paris, Bibl. Sainte-Geneviève, ms. 0072. Bible glosée, 13e s. ; début : 1 200 ; fin : 1 224 ; Sainte-Barbe-en-Auge, prieuré ; codex; parchemin ; 245 ff. ; 358 x 240 ; © IRHT – BU – SDBD.

Post scriptum
Les lettres de l’enseigne STUDIO HENRY peuvent-elles se trouver sous forme de police ? Le iPhone dispose depuis peu de l’application WhatTheFont. La photo (redressée, recadrée, traitée envoyée par e-mail sur le téléphone) est soumise à analyse et confrontée à la base de données de MyFonts. Résultat le plus approchant : Tall Skinny Condensed de Outside the Line, designer : Rae Kaiser, 1999. Grand, maigre et étroit, ces trois caractéristiques sont rarement rassemblées. L’enseigne, aussi haute que la vitrine, avait besoin de ce radicalisme.

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studio

L’enseigne originale et sa version typographique approximative.

 

Note d’avril 2012
Le Studio Henry a fermé il y a quelques mois et une lettre de l’enseigne a été arrachée.

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Jeudi 2 avril 2009, 14h50, rue Soufflot. Bannière « Paris 8 arts en lutte ».

saint-michel
Jeudi 2 avril 2009, 15h30, Port Royal, Paul-Louis R., Sabine B., Liliane T., Marlène P.

doctorantes
Jeudi 2 avril 2009, 15h42, boulevard du Montparnasse. Doctorantes (PhD is Sexy) de l’université Paris III.

marronniers
Jeudi 2 avril 2009, 17h35, jardin du Luxembourg. (Les « arbres au feuilles » ont un mois de retard par rapport à l’an dernier. Voir le 1er mars 2008.)

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