Un sutra, douze ans après


Dimanche 12 novembre, 14h. Temple bouddhique Daikaku-ji, 大覚寺 [littéralement, le temple de la grande illumination ou du grand éveil], Kyoto. Le temple conserve le sutra du Cœur qui fait l’objet de copies de la part des pèlerins et visiteurs. En 2011, avec Ange Leccia, Jean-Luc Vilmouth et Asami Nishimura, je contribue à l’exposition en ce lieu nommée Out of Place, avec l’installation-performance Les Vigilambules du Daikakuji, des écrans portés qui, dans cette salle principale nommée Meido, répondent à la marche et à la voix qui lit, rédigé spécialement, le « sutra de la relation ». Voir le catalogue : http://jlggb.net/jlb/wp-pdf/outofplace-catalog%202011.pdf
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Photographie de la performance Les Vigilambules de Daikakuji le 28 juin 2011, couverture du livre L’Écran comme mobile, Mamco, Genève, 2016.

Une verdure surprenante


Samedi 11 novembre 2023, 14h30, Shinagawa, quartier Takanawa. C’est une rareté mais un repère significatif d’une zone calme de la ville, où les maisons singulières, alternatives, contrastent avec les tours et les très grands blocs, pourtant à deux pas. Déjà nommée surprenante pour sa végétation, la contient une surprise dont on ne revient pas : sur Google Maps, l’enseigne de ce lieu est Takanawa Soba Sabo, 高輪蕎麦茶房, autrement dit une maison de thé où l’on sert des nouilles de sarrasin, avec les gobelets soba choko qui nous valent ce voyage.
Adresse

Une pause tranquille et bien ordonnée



Samedi 11 novembre 2023, 13h, Shinagawa, quartier Higashioi [2 Chome-23-2 Higashioi, Shinagawa City, Tokyo 140-0011, Japon]. Le Café de Lotty, nommé jusque sur les tasses, on le trouve « par hasard, mais avec une enseigne en français » dans une petite rue commerçante avant d’aller à la gare de Tachiaigawa pour prendre la ligne Keikyu qui conduit à la gare de Shinagawa. Après coup, on lit, sur Google Maps, des notes, traduites du japonais : « Il y avait une rue commerçante quand je suis descendu à la gare de Tachiaigawa sur la ligne Keikyu. J’avais faim, alors je suis allé au café Lotty. Il y a des chaises au deuxième étage où vous pouvez manger » ; « Les sandwichs sont composés de pain de grains entiers, de jambon et d’œufs maison soigneusement sélectionnés et qui regorgent de légumes, ce qui les rend très délicieux ! », « Venus de Paris, de Kyoto, nous avons marché 10 km pour trouver le marché aux puces. Alors, avant de prendre le train, nous avons trouvé cette boulangerie avec une très jolie ambiance tranquille au deuxième niveau. » etc. Une certaine perfection dans les détails.

Un train parmi d’autres



Samedi 11 novembre 2023, 10h40, Shinagawa. On arrive de Kyoto à la gare de Shinagawa, mais le rendez-vous avec Masaki est à 14h30. On veut rejoindre le marché aux puces, réputé à Tokyo, qui se tient sur le parking du champ de courses Oi Keibajo. On ne trouve pas le train local qui y conduit et on décide d’y aller à pied. Un soupçon quand on voit au passage à niveau, un train rouge, mais on s’obstine, on ira trop loin. Heureusement un gardien nous mettra spontanément sur la bonne voie vers le « Flea Market » (1h 38 mn, 10,4 km). On prendra cette ligne nommée Keikyu pour revenir.


Shinagawa Keikyu Line 2023/11/11 ©jlggb — Film de 1 mn

Le Musée international du manga


Vendredi 10 novembre 2023, 14h30, Musée international du manga, Kyoto. Une salle montre la suite d’une centaine de mains tenant un crayon, moulées en plâtre, qui sont celles d’auteurs de mangas, associées aux images qu’ils ont tracées. Ici, la main de la mangaka 柊 あおい, Hiiragi Aoi, dessinatrice de mangas et réalisatrice de dessins animés. Ouvert en 2006 dans une ancienne école primaire, ce musée, ou cette bibliothèque, a conservé une ambiance studieuse, simple et libre. On dit qu’il contient plus de 300.000 ouvrages. Site officiel : https://kyotomm.jp/en/

La maison de Kawaï Kanjiro







Jeudi 9 novembre 2023, 16h, Gojo-zaka, Kyoto. Si l’on connaît nombre des poteries, remarquables pour leurs références à l’artisanat, de Kawaï Kanjiro, la visite de sa maison, dans toute son étendue et sa complexité – bibliothèque, salons, chambres, bureau, atelier, petit four, grand four, dessins, livres, calligraphies, meubles, céramiques –, exprime la richesse du style inventif d’un artiste, écrivain et poète, dans son temps.

Souvenir de la cérémonie du thé


Jeudi 9 novembre 2023, 13h, Kyoto. Comme beaucoup de lieux de cette ville, il faut en connaître l’existence pour les voir, les découvrir, comme cet espace bouddhiste avec sa maison de thé, Saigyo-an. En 2001, je l’ai connue longuement et de l’intérieur. Appuyés par une production, nous avons fait une série de prises de vue avec un dispositif de rail de travelling. Ce projet de film interactif est resté à l’état d’essai mais il a marqué une connaissance très proche des gestes de la cérémonie du thé comme de la matérialité prenante de leur lieu.

Ichimatsu sometsuke soba choko



Jeudi 9 novembre 2023, 13h, Kiyomizu, Kyoto. Fabriqué à Jindezhen — patrie historique de la porcelaine en Chine —, un soba choko de porcelaine bleu et blanc — sometsuke — au décor de damier — ichimatsu, du nom du célèbre acteur de kabuki au manteau à damier — qui va rejoindre ceux, de la même histoire, de 2001 et 2011, signé du maître du four Kashogama, Kasho Morioka. Avec ici, pour le vendre, madame Morioka.
Voir 2011 : https://jlggb.net/blog2/?p=6393
Voir 2024 : https://jlggb.net/blog9/2024/10/20/personnage-type/

間, ma, un exemple



Jeudi 9 novembre 2023, 11h, Kyoto, Sanjo dori est. La barrière métallique pliante retient l’attention du passant. Elle est un cas des plus parlants de notre définition du motif, universel, des plus anciens, que l’on nomme treillis, pour son caractère génératif, constructiviste, mécanique, 格子文, kashimon, en japonais. Le chapiteau de rideaux rouge et blanc est reconnu aussi. On le trouve, très spécifique au Japon, dans les événements publics, les fêtes, les célébrations. La particularité de ce rideau est qu’un bandeau rouge suspend les barres rouges. Ce motif est donc également une manière de frontière, de barrière, de clôture. Son nom en japonais est 紅白幕, kōhakumaku, qui se traduit simplement « rideau rouge et blanc ». Un troisième mot nous vient : ma, avec son kanji, sinogramme, 間, où l’on voit une porte s’ouvrant sur un soleil. En France, en Occident, le concept de ma a connu, à la fin des années 1970, sous l’effet notamment de Roland Barthes, une surinterprétation qui l’a rangé dans les traditions inventées. Car Ma a désigné avant tout, techniquement, en architecture, un intervalle entre deux poteaux de bois dans une charpente. Il est vrai que, métaphoriquement, il parle d’un intervalle entre deux choses, entre deux moments, deux notes, deux gestes. Mais c’est bien un espace dense et non un vide. Pour cela, les deux objets doivent être distincts, séparés et c’est là qu’intervient efficacement le terme kekkai, 結界, barrière, qui combine lier et distinguer, avec la connotation de relier les mondes de part et d’autre. C’est ainsi que Philippe Bonnin analyse longuement ce mot, pour une « esthétique japonaise de la limite », dans sa préface à la traduction de l’ouvrage de 1966, Keikkai no bi, Ito Teiji, La Beauté du seuil, CNRS Éditions, Paris, 2021, et dans Vocabulaire de la spécialité japonaise, CNRS Éditions, Paris, 2014, pp. 243-246. La clôture, le barreau, le muret, la haie, la palissade, le rideau, le seuil, ont une présence matérielle, tangible, mais « parfois plus symbolique que coercitif ». En toutes circonstances, le kekkai est « un intermédiaire qui permet les échanges ». On retrouve donc le treillis à l’œuvre. En considérant attentivement les marges de l’espace photographié, on découvre d’étroites bandes cimentées. Un sens du mot ma, qui nous est familier au Japon, est le vide très resserré entre les maisons, les immeubles. Ainsi, près de notre logement, à gauche de notre supérette FamilyMart, un passage de moins de 20 cm est habité par de très beaux chats, il connaît une grande intensité. Un mur mitoyen est ici constitué d’un plan vertical vide. Les métadonnées des photos sont très précises. Street View ne permet pas de reconnaître l’endroit, mais, daté de 2022, il apporte une explication : un immeuble d’un étage, blanc, moderne, marqué Haku Taku Dou, Clinique d’acupuncture et d’orthopédie était là, et a donc été démoli. Le kiosque rouge et blanc et ses chaises attendent peut-être un conciliabule ou une cérémonie pour une nouvelle construction.