Jeudi 9 novembre 2023, 11h, Kyoto, Sanjo dori est. La barrière métallique pliante retient l’attention du passant. Elle est un cas des plus parlants de notre définition du motif, universel, des plus anciens, que l’on nomme treillis, pour son caractère génératif, constructiviste, mécanique, 格子文, kashimon, en japonais. Le chapiteau de rideaux rouge et blanc est reconnu aussi. On le trouve, très spécifique au Japon, dans les événements publics, les fêtes, les célébrations. La particularité de ce rideau est qu’un bandeau rouge suspend les barres rouges. Ce motif est donc également une manière de frontière, de barrière, de clôture. Son nom en japonais est 紅白幕, kōhakumaku, qui se traduit simplement « rideau rouge et blanc ». Un troisième mot nous vient : ma, avec son kanji, sinogramme, 間, où l’on voit une porte s’ouvrant sur un soleil. En France, en Occident, le concept de ma a connu, à la fin des années 1970, sous l’effet notamment de Roland Barthes, une surinterprétation qui l’a rangé dans les traditions inventées. Car Ma a désigné avant tout, techniquement, en architecture, un intervalle entre deux poteaux de bois dans une charpente. Il est vrai que, métaphoriquement, il parle d’un intervalle entre deux choses, entre deux moments, deux notes, deux gestes. Mais c’est bien un espace dense et non un vide. Pour cela, les deux objets doivent être distincts, séparés et c’est là qu’intervient efficacement le terme kekkai, 結界, barrière, qui combine lier et distinguer, avec la connotation de relier les mondes de part et d’autre. C’est ainsi que Philippe Bonnin analyse longuement ce mot, pour une « esthétique japonaise de la limite », dans sa préface à la traduction de l’ouvrage de 1966, Keikkai no bi, Ito Teiji, La Beauté du seuil, CNRS Éditions, Paris, 2021, et dans Vocabulaire de la spécialité japonaise, CNRS Éditions, Paris, 2014, pp. 243-246. La clôture, le barreau, le muret, la haie, la palissade, le rideau, le seuil, ont une présence matérielle, tangible, mais « parfois plus symbolique que coercitif ». En toutes circonstances, le kekkai est « un intermédiaire qui permet les échanges ». On retrouve donc le treillis à l’œuvre. En considérant attentivement les marges de l’espace photographié, on découvre d’étroites bandes cimentées. Un sens du mot ma, qui nous est familier au Japon, est le vide très resserré entre les maisons, les immeubles. Ainsi, près de notre logement, à gauche de notre supérette FamilyMart, un passage de moins de 20 cm est habité par de très beaux chats, il connaît une grande intensité. Un mur mitoyen est ici constitué d’un plan vertical vide. Les métadonnées des photos sont très précises. Street View ne permet pas de reconnaître l’endroit, mais, daté de 2022, il apporte une explication : un immeuble d’un étage, blanc, moderne, marqué Haku Taku Dou, Clinique d’acupuncture et d’orthopédie était là, et a donc été démoli. Le kiosque rouge et blanc et ses chaises attendent peut-être un conciliabule ou une cérémonie pour une nouvelle construction.
Catégorie : Nom
8 novembre 2023 08:58:54
Mercredi 8 novembre 2023, 9h, gare centrale de Tokyo. En partance en Shinkansen pour Utsunomiya, à une centaine de km, et ensuite 24 km en autobus, pour Mashiko. Informations attachées à cette photo du train : Emplacement de l’appareil photo : Tokyo Chiyoda Marunochi / Position : 35° 40′ 51,86″ N, 139° 46′ 3,11″ E / Altitude : 5,95 m / Direction du sujet : 99,54° (Direction magnétique) / Horodatage (GMT) : 8 nov. 2023 à 00:58:53 / Mouvement du récepteur: 0,00 km/h
LT by JLB
Lundi 23 octobre 2023, Paris. Le jour est venu de publier ce portrait. Le 23 octobre 1973, dans notre atelier de la rue Moreau, 12e, il s’agissait d’employer un appareil Polaroid donnant des clichés en noir et blanc à vernir. Pour s’inscrire dans ce modèle professionnel, des lumières ont été soigneusement placées, la position et le cadrage étudiés. Il ne s’agissait pas d’une image pour mémoire mais elle l’est devenue.
17 septembre
Servir (La vie des objets. Ch. 140)
Mardi 8 août 2023, 23h, Aix-les-Bains. La clé du système est une pince à dessin d’acier nickelé, du format 41 millimètres, peut-être la plus grande du genre, qui ne se fait plus semble-t-il. Son métal, marqué « Double Clip 223 » s’accorde au chrome de la barre du rideau de douche, vingt millimètres de diamètre. Avec le peu de jeu qui serre fortement, pour la suspendre, la serviette-éponge marquée, en anglais et en français : « 100 % coton organique, Fabriqué au Japon ». Une telle rencontre, à dessein, d’usages ordinairement distincts, de provenances et d’histoires identifiées mais étrangères, adopte le nom « serviette » puisqu’il s’agit d’être au service, de servir à essuyer le visage, tel quel depuis quinze ans.
Hassan Sharif
Chocolatier pâtissier
Nommer (La vie des objets. Ch. 123)
Jeudi 23 février 2023, 17h, Allée verte, Aix-les-Bains. Le long du chemin, isolé, l’objet attire l’attention, et pose la question « à quoi je sers ? ». À attirer l’attention justement, d’abord à faire une image. La réponse est dans ses noms : un trait rouge vertical, un segment cylindrique, un tube, un bâton, un piquet, un poteau, un potelet, une borne, un repère, un jalon, un délinéateur, un marqueur, un signal, une balise ?
Sous son nom
Mardi 21 février 2023, 17h, Route de Pugny, Boncelin, Aix-les-Bains. On entre chez l’horticulteur pour voir si se trouve là une plante aux feuilles brillantes, rougeoyantes, persistantes et aux grappes de fruits rouges, remarquée Cour de l’industrie à Paris. Dans la catégorie des nouveaux arbustes décoratifs à la mode, la figure se présente sous son nom, Nandina, avec l’indication d’une origine, Nanten en Japonais, ciel du sud.
Voir : https://jlggb.net/blog8/2023/11/04/3347/
Jamais vu (La vie des objets. Ch. 121)
Mercredi 25 janvier 2023, 22h, Paris. Cette pomme est identifiée comme reinette grise du Canada. Elle présente une bande vert vif. Ce vert pourrait être précisément celui d’une Granny Smith. Hybridation peut-être mais le mot hybride est tellement utilisé aujourd’hui, en toutes situations, qu’il faut l’éviter et rester dans le flou du « jamais vu ».