Un film en train de se faire


Vendredi 3 février 2012, 18h30, librairie Compagnie, rue des Écoles, Paris 5e. Signature par Anne Wiazemski de son livre Une Année studieuse, Gallimard, 2012. Il y a dans la queue d’anciennes condisciples de la fac de Nanterre, deux représentantes des fans japonaises de Godard, un ancien ministre communiste avec une écharpe mauve.



« Un film en train de se faire », c’est l’une des phrases qui s’affichent dans La Chinoise. Il faut comprendre que 45 ans plus tard, il reste en train de se faire, tant il est ouvert aux interprétations et aux suites. Revoyant le film de Godard pour l’occasion (un DVD médiocre acheté au japon il y a 10 ans, les deux photos de l’écran de télévision ci-dessus), je trouve qu’il a plutôt bien vieilli. On a dit qu’il était prémonitoire de l’après 68. C’est en partie vrai. Il annonce ce qui était en train d’arriver à Godard comme à beaucoup de (jeunes) intellectuels de ce temps-là. Mais on en mesure aujourd’hui l’ironie mélancolique et critique à la fois. Plus encore que Les Carabiniers ou que Deux ou trois choses que je sais d’elle, il est le manifeste d’un théâtre-cinéma inspiré par Brecht. D’ailleurs, s’il se réfère à la Chine, c’est peut-être d’abord à son opéra traditionnel, celui de Mei Lanfang découvert par Brecht à Moscou en 1935, et dont la Chine de 1967 s’était totalement écartée. Ou bien, de la Chine pop, il tire à lui le pop. Parmi les techniques d’interruption de l’illusion et de décentrement, il y a ces instants que j’affectionne, où l’on voit la caméra et son opérateur Raoul Coutard. Il faut dire qu’il me fut donné, dans le sillage de mes amis JB et MS, d’entrapercevoir l’appartement de la rue de Miromesnil transformé modestement en plateau de tournage. Anne Wiazemski dit que pour en faire un livre, elle a pris dans la vie passée tout comme Godard avait pris dans sa vie à elle pour en faire un film. Le charme du livre, et la poésie du film, c’est quand ce qu’on connaît comme réel s’offre simultanément sous l’angle de la fiction.

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