août 2013

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silvoz-chrono
Samedi 17 août 2013, 19h30. Sur mon étagère, il y a, depuis les années 70, ce compte secondes (et aussi centièmes de minutes et minutes) mécanique — on peut le nommer chronomètre — de la marque Silvoz, Made in Germany. C’était un classique des laboratoires de photographie où il fallait exposer et développer selon des durées relativement précises. Le temps « déguisé en mouvement » (Étienne Klein), c’est ce que montrent les montres. Pour nos opérations à la rencontre du faisceau lumineux et des bains chimiques, l’observation des aiguilles et l’écoute du tic-tac donnait une dimension souple, libre et littéralement manuelle au contrôle du temps. Ce n’est pas une horloge. Aujourd’hui, le comptage numérique du temps est inscrit dans un vaste synchronisme universel. L’heure s’est infiltrée partout. Elle s’affiche et s’impose sans vergogne.

hanako silvoz 2013 06 24
Complément :
Un tel appareil est encore en usage, comme en témoigne cette photo du blog d’Hanako, qui fait des recherches sur le croisement des nouvelles techniques photographiques et des anciennes.

table palette
Vendredi 16 août 2013, 12h12, 93bis. Cette table ronde métallique et pliante fut d’abord un objet plutôt luxueux et rare, un objet « design » acheté pour se faire plaisir il y a bientôt trente ans : table Cumano d’Achille Castiglioni, 1978, éditée par Zanotta (Nova Milanese). À l’usage, sa laque noire s’est écaillée et elle a commencé à rouiller. Mais, depuis qu’elle est dans l’atelier d’Étienne, elle se transforme en palette — elle est d’ailleurs déjà signée.

le mur
Vendredi 16 août 2013, 12h. Dans l’escalier du 93bis, un pan de mur a été dégagé pour en traiter l’humidité. Dans la partie haute, on distingue, par ordre d’ancienneté, une couche d’enduit clair, un gris clair ou un gris moyen, une couche de beige très clair, un enduit blanc, une couche jaune. Dans la zone où se découvre une pièce de bois (les cloisons de l’immeuble, qui fut un ensemble d’ateliers de menuiserie et date d’environ 1900, sont construites ainsi), on distingue un vernis transparent, un brun clair, un brun sombre, un gris sombre, un beige clair, un enduit blanc, un jaune. Dans la partie basse (la limite du soubassement a changé de hauteur), on distingue un enduit, un brun clair, un gris moyen, un enduit blanc, un gris sombre. Les dernières couleurs, enduit, jaune et gris sombre, sont celles de la dernière rénovation, il y a une dizaine d’années. Parlant du passé et du présent, Deleuze nous a donné un bel exemple de définition du virtuel. Pour chacun de nous, le passé, y compris le passé immédiat, fait partie du réel mais entre dans le virtuel. Se le rappeler, c’est l’actualiser. C’est pourquoi le virtuel ne s’oppose pas au réel mais à l’actuel. Si les actions des peintres de l’escalier sont à ranger dans le virtuel, et peuvent éventuellement appartenir à nos souvenirs et être ainsi actualisées, les couches de couleurs, même si elles sont cachées, appartiennent bien à l’actualité du mur. Une remarque encore : l’ombre du photographe s’ajoute à toutes ces couches.

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tombe-de-mallarme
Jeudi 15 août 2013, 13h, cimetière de Samoreau, village voisin de la maison de Valvins où séjourna Stéphane Mallarmé. Tombe des Mallarmé, à la fois très simple et très particulière, Stéphane (1842-1898), sa femme Marie (1835-1910), leurs enfants Anatole (1871-1879) et Geneviève (1864-1919). Non loin, la tombe du docteur Bonniot (1869-1930), gendre de Mallarmé, et de sa seconde femme, Louise Saquet (1886-1970), reprend la même forme.

mallarme-maison
mallarme-pommier
Jeudi 15 août 2013, 11h30 — 12h30, Vulaines-sur-Seine, maison de Valvins, où séjourna Stéphane Mallarmé de 1874 à sa mort en 1898, avec sa femme Marie, sa fille Geneviève et de nombreux amis artistes de passage (aujourd’hui Musée départemental Stéphane Mallarmé), au bord de la Seine, non loin de Fontainebleau. Le jardin a été réaménagé pour restituer l’esprit et l’ambiance des jardins d’agrément des maisons de villégiature de la fin du XIXe siècle, que les occupants se plaisaient à créer et à entretenir eux-mêmes. « Ces artistes […] trouvent leurs sujets près de chez eux, à quelques pas seulement, ou bien dans leurs propres jardins » dit Mallarmé des impressionnistes.
Contre la façade, un rosier grimpant New Dawn (voir : http://jlggb.net/blog2/?p=2437)
Site du musée : http://www.musee-mallarme.fr

enseignes-voltaire-2013
Mercredi 14 août 2013, 19h, boulevard Voltaire, Paris 11e. Une redondance qui aurait pu faire tordre le nez à Roland Barthes et qui a fait la fortune de Joseph Kosuth (voir : http://jlggb.net/blog3/?p=1386 et http://jlggb.net/blog3/?p=1420). On a vu des enseignes de serrurerie en fer forgé (voir : http://jlggb.net/blog2/?p=1301) et des enseignes de néons en tube néon. On peut apprécier ici une tautologie légitime et assumée. Mais, à vrai dire, toute enseigne peut être classée dans cette même catégorie : « Coiffure », « Boucherie », etc. On dira, en termes savants, « une désignation de désignation » (Julia Kristeva) ou en termes populaires, « c’est écrit dessus » (voir : http://jlggb.net/blog3/?p=3611).

SMcQ
Vendredi 9 août 2013, 16h30, café Le Préau, rue de Birague, Paris 4e. Sadie est étudiante en littérature française (et études féminines) à Harvard. Au cours d’un séjour de deux mois à Paris avec sa professeure, Alice Jardine, qui fut étudiante à Paris dans les années 70, elle a choisi, dans le thème généra « Paris et ses révolutions », de conduire une étude sur la démolition de Vincennes en 1980. Ce sont mes photos publiées ici (voir : « Des archives : 12 photographies inédites d’août 1980 ») qui l’ont conduite à s’adresser à moi. J’ai donc répondu à ses questions : « Pourquoi cette décision brutale de raser totalement les bâtiments ? »; « Quelle résistance s’est exprimée en 1980 ? »; « Comment l’université a-t-elle évolué après son transfert à Saint-Denis ? »; etc.

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Démolition de la faculté de Vincennes, août 1980 (photo © JLggB).

Pour en savoir plus et comprendre cette histoire, il convient de regarder ces deux films, réalisés par des collègues de l’université Paris 8 :
Le Vent de Vincennes, de Katharina Bellan, VLR Productions, 2005, 53mn, avec Monika Bellan, Jean-Maurice Dumas, Hélène Cixous, Alain Badiou, Bernard Cassen, Michel Debeauvais, Jacques Rancière, Claude Frioux, Jean Narboni et Jean-Paul Fargier;
Roman noir pour université rouge de Yolande Robveille et Jean Condé, Zarafa Films, 2008, 91 mn, avec François Châtelet, Gilles Deleuze, Jean-François Lyotard, Michel Foucault, Hélène Cixous, Bernard Cassen, Alain Badiou, Daniel Defert, Denis Guedj, Gérard Miller et d’autres.

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Le Vent de Vincennes, Julie Loi, Katharina Bellan, 2005.

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Roman noir pour université rouge, Paul Chaslin, 2008.

La disparition récente de Paul Chaslin, constructeur des bâtiments de Vincennes, grand militant de la culture populaire, a permis de rappeler son engagement et sa personnalité hors du commun :
Paul Chaslin. Souvenirs d’un entrepreneur tout terrain, Les éditions du Linteau, 2013;
« Paul Chaslin, entrepreneur, militant culturel », Le Monde, 24 janvier 2013. Lire la suite »

aix-anchoix
Lundi 5 août 2013, 2h du matin, Nice-Savoie. À cette heure, l’envie de manger quelque chose de spécial peut se manifester. La petite boîte (32 grammes) d’anchois, de chez Monoprix, est marquée « Conserveries provençales », « Fabriqué au Maroc ». L’idée me vient de la placer sur une assiette rectangulaire, de chez Muji, en porcelaine hakuji (Kyushu, Japon), signée non officiellement par Masahiro Mori, le designer de Hakusan. Mais c’est le contexte qui peut expliquer ce geste : je regarde sur Arte, pour la deuxième fois le même jour car cet après-midi je dormais à moitié, un film sur Mondrian et un autre sur le mètre étalon.

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Vendredi 2 août 2013, 10h30, rue de Montreuil, Paris 11e. Pour ses enseignes, ce restaurant tunisien (nous passons devant tous les jours en pensant à l’actualité de la Tunisie) a choisi le Cooper Black, dans une version avec « relief », et des caractères plus directement Art nouveau évoquant une calligraphie orientale. Juste en face se trouve la rue de Tunis, une voie étroite qui vient de la place de la Nation (place du Trône, et du Trône renversé, créée en 1660 à l’occasion du retour de Louis XIV et de sa cousine germaine Marie-Thérèse d’Autriche après leur mariage, destiné au rapprochement de la France de l’Espagne), située entre l’avenue Philippe Auguste et l’avenue de Bouvines (la bataille de Bouvines dont Philippe Auguste est le grand vainqueur, le 27 juillet 1214, et dont Georges Duby démontre, dans Le Dimanche de Bouvines, paru en 1973, en quoi elle est un événement « fabriqué », ranimé à la fin du XIXe siècle dans un mouvement anti-allemand, moment où, probablement, ces rues et boulevards sont nommés. Voir ici ). Quant au nom de Tunis, il rappelle la mort de Louis IX (Saint-Louis) le 25 août 1270, parmi les victimes de la peste qui touche la 8e croisade lors du siège de la ville (il devait faire trop chaud, comme en ce moment).

coiffure-reunion
Vendredi 2 août 2013, 8h40, rue de la Réunion, Paris 20e. Pour trouver ce type d’enseignes parisiennes, dont on a entrepris la collection depuis les débuts du blog, il faut aller dans des rues populaires mais anciennes, même si certaines, en tout petit nombre, ont été conservées et restaurées dans les beaux quartiers. De toute façon, elles disparaissent. On voit ici comment elles se redoublent de lettres autocollantes découpées au laser, avec une continuité intéressante vers le caractère Cooper Black qui, objectivement, dénote l’« Orient ».

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