Tomber (Vie des objets. Ch. 103)


Lundi 27 septembre 2021, 14h30, Aix-les-Bains. Le bois peut tomber, il peut casser. Le tableau dit Les Charbonniers ou Les Boissiers, de 1892, trouvé aux puces de la Porte de Montreuil en 1985, est resté ici au mur pendant plus d’un an ; collé au mur par un ruban double face, il est tombé une nuit sur la table de nuit en la perçant de l’un de ses angles. Le bois de ce meuble Muji s’est révélé un plaqué sur une structure de quasi-carton. La photographie If centenaire du Temple du ciel à Pékin, de 1985, dans cet unique tirage selon le procédé Fresson, que j’avais offert à mon père qui l’encadra, a vu l’un de ses anneaux s’arracher ; il est tombé très verticalement en cassant un bord d’un plateau lui aussi rangé verticalement au pied du mur. En contreplaqué moulé, ce bel objet hérité, de style danois, avait précisément été choisi par mon père lors de son séjour parisien des années 1947 et 1948. On constate que ces histoires se sont rassemblées dans la même image.

Louise Lawler


Dimanche 1er août 2021, 17h, Bourse du Commerce Pinault Collection, Paris, 1er. Louise Lawler, Helms Amendment, 1989, 94 photographies en noir et blanc, textes muraux en vinyle, mur peint en gris. Le 14 octobre 1987, le Sénat des États-Unis vote en faveur de l’amendement Helms qui concerne les dépenses du gouvernement et qui stipule : « aucun des fonds mis à la disposition des Centers for Disease Control ne doit être utilisé pour une éducation, pour des informations ou du matériel de prévention sur le Sida et des activités qui promeuvent ou encouragent, directement ou indirectement, les activités sexuelles homosexuelles. » 94 sénateurs votent oui, deux votent non et quatre ne votent pas. Louise Lawler répète à l’identique la photographie d’un gobelet en l’associant au nom d’un sénateur. S’ils identifient les votants, les gobelets de plastique évoquent un environnement médicalisé mais aussi un espace architectural classique. Cette œuvre peut rejoindre l’Atlas du gobelet.

Son regard frontal


Jeudi 28 janvier 2021, 22h. Son portrait a trouvé depuis plusieurs années un cadre qui lui permet de rester visible, d’exercer le regard qui, le 15 juillet 1983 se fixa dans l’objectif. C’était l’inauguration de l’objectif réputé pour les portraits, le 105 mm du Nikon F2, premier appareil à inscrire la date dans la pellicule. Il se vérifie qu’une fois saisi, un tel angle du regard persiste, quelle que soit la perspective qui décrit l’objet photographique.

Investiguer (Vie des objets. Ch. 92)



Lundi 18 janvier 2021, 22h, Nice-Savoie. Parmi de nombreux négatifs, y compris en couleurs, venus d’appareils jetables, des photos de famille d’autant plus parlantes et touchantes qu’elles ont été prises « comme ça ». Celle-ci le fut par Étienne pour montrer ses deux petits-cousins, Victor et Max. Quand ? Léo était-il né ? Indice décisif où Google intervient, le magazine en train d’être lu est Télérama, on le voit assez pour le reconnaître, on trouve sa date : 7 février 1998.

Contre-jour


Samedi 28 novembre 2020, 15h30, esplanade du lac, Aix-les-Bains. La figure d’accroche a été la spirale de fer multiprésente dans la barrière. Puis la barrière s’est inscrite, avec son redoublement d’ombres convergentes. Alors le soleil devenait nécessaire — et possible grâce au poteau vertical — et il a rapporté la Dent du chat, déclencheur inévitable.

Une lône


Lundi 19 octobre 2020, 14h20, Yenne, Savoie. Ce cours d’eau a pour nom La Lône — ici le correcteur orthographique tend à imposer : la lune. J’ai appris dans mon enfance à nommer les lônes, les bras incertains du fleuve — ce mot est, semble-t-il, réservé au Rhône — qui étaient des lieux de « plein air », et pour moi d’aversion du marathon. Ici, la confusion des êtres est ou bien troublante, ou bien attrayante. L’entre-deux de l’automne y a sa part. La photographie se plaît à la capter en l’ordonnant.