1995-2001 Mémoire de crayons

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Mémoire de crayons, installation, Centre Pompidou, 2001.

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Mémoire de crayons, détails de la collection de 1024 crayons.

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Les visiteurs choisissent un crayon et, en le décrivant, le retrouvent sur la base de données.
Photos J.-L.B. 2001

FICHE DESCRIPTIVE
Mémoire de crayons
Installation interactive autour d’une collection de crayons
Version pour le CREDAC/Ivry : 1995. Version pour le Centre Pompidou : 2001

Technique de réalisation
Fichier numérique (Claris FileMaker).
Interface graphique.

Dispositif
Deux grandes tables parallèles de 80×240 cm, séparées par un espace de la largeur d’une table. La première table est une vitrine qui renferme, en 32 cases, une collection de 1024 crayons à papier, elle est éclairée par deux lampes de bureau articulées. La deuxième table supporte un ordinateur avec son clavier et son écran.

FICHE GÉNÉRIQUE
Conception et réalisation : Jean-Louis Boissier
Développement informatique : Aline Giron, Jean-Noël Lafargue
Design des tables : Béatrice Selleron
Traduction anglaise : Jennifer Ward
Remerciements à : Université Paris 8 ; Madeleine Van Doren, CREDAC, Ivry-Sur-Seine ; Boris Tissot, Centre Pompidou ; Conté ®

ARGUMENT
Une réflexion sur la mémoire attachée aux objets et sur la capacité du langage à rendre compte d’une collection d’objets singuliers.
Aux confessions rousseauistes sur lesquelles s’est centré l’essentiel de mon travail depuis plusieurs années, peut-être fallait-il confronter une expérience autobiographique qui m’appartienne. Depuis de nombreuses années, j’ai collectionné des crayons à papier. Chaque crayon a donné lieu à une fiche sur ordinateur comportant à la fois sa description et un court récit de son origine et des circonstances de son entrée dans la collection. Le visiteur s’attachant à l’un quelconque des crayons, peut en décrire les caractéristiques objectives en tapant librement des mots sur le clavier de l’ordinateur. Ces mots s’affichent sur l’écran. Si cette description est juste, l’ordinateur retrouve la fiche correspondante, confirme la description du crayon et affiche l’histoire du crayon. Chaque crayon présente à la fois des signes manifestes de son identité et recèle une histoire dont on ne devine rien. À chaque crayon est pourtant attachée une mémoire dont je suis provisoirement le garant, qui s’inscrit dans ma propre mémoire, qui recouvre un fragment de ma vie. Chaque crayon est à la fois une présence évidente et mystérieuse, transparente et opaque.
L’observation minutieuse et la description langagière de la collection ouvrent l’espace rétrospectif d’un réseau de lieux et de moments uniques. Jacques Roubaud nous dit de cet « art personnel » qu’est l’« art de la mémoire », qu’il recourt ainsi à la visualisation systématique et à l’accrochage des souvenirs à des lieux et à des trajets. Il cite ainsi le prodige Cherechevski (1) , capable de restituer les listes les plus longues et ardues, des années après les avoir mémorisées. Il distribuait les séquences de mots, transformés en images, le long des rues qu’il connaissait. Il lui arriva d’oublier le mot « crayon » : il l’avait mis dans l’ombre d’une palissade de la rue Gorki.
Cette installation est une tabula rasa, pas seulement la table rase, la table vide sur laquelle je poserai l’ordinateur qui contient, lui, la table, le tableau indexé de mes crayons « mémoratifs ». C’est la « tablette de cire vierge », la métaphore que donne Aristote pour l’esprit à notre naissance, avant qu’aucune pensée ne s’y inscrive. Une autre manière de Wunderblock (l’ardoise magique dont l’ordinateur pourrait bien être la version la plus moderne), ou encore d’album c’est-à-dire de feuilles blanches.
La version préparée en 2000-2001 pour le Centre Pompidou, Musée des enfants, s’intitule Mémoire de crayons. L’interface est dessinée spécialement pour un usage plus intuitif. D’autre part, chaque fiche comporte désormais une image du crayon, de telle sorte que la réponse apportée par la base de données à la description par des mots se traduise par une image, confirmation concrète de la justesse de cette description.

J.-L.B.

Note 1. Jacques Roubaud, L’invention du fils de Leoprepes, Circé, 1993, pp. 37-44.


Crayon « JLB » créé à l’occasion de l’exposition du Centre Pompidou par la société Conté.

 
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En juin 2015, pour l’exposition Des histoires d’art et d’interactivité au Musée des arts et métiers, une version conforme à celle de 2001 est reconstituée.