Mardi 28 mai 2024, 23h59, Paris. Firefly est l’instrument récent d’une génération d’images à partir du langage. La phrase est « figurine de canard en verre rouge ». Mais beaucoup de langage, dont on ne connaîtra pas les termes, vient de deux images préalables : la photo d’une bouteille de verre rouge et la photo d’une statuette de bronze, la première pour indiquer un « style », la seconde pour indiquer une « structure ». De la boîte noire de l’intelligence artificielle, on ne voit que l’entrée et la sortie. Dans le registre immense des statistiques, il faut user de préférences longuement répétées, ruser pour échapper aux stéréotypes. Et ne pas perdre de vue qu’avant d’être des images et des mots, il s’agissait d’objets singuliers. La bouteille rouge a été rapportée d’un voyage d’initiation au design, à Stockholm en 1963, c’est une pièce signée par Erik Höglund pour la fabrique Boda. La statuette a été achetée il y a quelques jours dans la rue à Bruxelles, son vendeur était très savant sur l’origine, la technique, l’usage, chez les Dogons. Et puis encore, la figurine est moulée à la cire perdue et elle figure un animal.
Étiquette : photographie
Exister (Ch. 161)
Mardi 21 mai 2024, 11h, musée Bozar, Bruxelles. Dans « Histoire de ne pas rire. Le surréalisme en Belgique », une très impressionnante série de 19 photographies, Subversion des images, par Paul Nougé, l’initiateur aussi radical que mystérieux du surréalisme depuis Bruxelles, dont La Naissance de l’objet ou Les Spectateurs. Où l’on peut comprendre l’aptitude des objets à exister.
Tomber (Ch. 103)
Lundi 27 septembre 2021, 14h30, Aix-les-Bains. Le bois peut tomber, il peut casser. Le tableau dit Les Charbonniers ou Les Boissiers, de 1892, trouvé aux puces de la Porte de Montreuil en 1985, est resté ici au mur pendant plus d’un an ; collé au mur par un ruban double face, il est tombé une nuit sur la table de nuit en la perçant de l’un de ses angles. Le bois de ce meuble Muji s’est révélé un plaqué sur une structure de quasi-carton. La photographie If centenaire du Temple du ciel à Pékin, de 1985, dans cet unique tirage selon le procédé Fresson, que j’avais offert à mon père qui l’encadra, a vu l’un de ses anneaux s’arracher ; il est tombé très verticalement en cassant un bord d’un plateau lui aussi rangé verticalement au pied du mur. En contreplaqué moulé, ce bel objet hérité, de style danois, avait précisément été choisi par mon père lors de son séjour parisien des années 1947 et 1948. On constate que ces histoires se sont rassemblées dans la même image.
Retoucher (Ch. 83)
Vendredi 1er novembre 2019, 24h, Aix les Bains. Un polaroid est marqué au dos : « Valence, le 30 XII 1972 ». Il ne fut jamais clair et lisible. Pourtant les sujets savaient que cette photographie instantanée au flash avait été prise pour être le moment d’une présentation. Aujourd’hui, durant cinq heures, le rectangle de 82 x 85 mm, scanné, a été retouché par l’effacement, une par une, de plusieurs milliers de taches et rayures, et encore éclairci et ravivé.
L’âge, autre (Ch. 24)
Mardi 14 janvier 2014, 23h59, Aix-les-Bains. Acheté à Valence en juillet 1959, cet appareil photographique 6×6 reflex à deux objectifs Semflex Standard objectif Som Berthiot 4,5/75 type 4 avait été fabriqué par la Société des établissements modernes de mécaniques à Aurec, Haute Loire, créée en 1948. Son numéro est 413345. Utilisé entre 1959 et 1964, il est resté inactif depuis. Aujourd’hui, l’obturateur fonctionne encore, peut-être un peu lentement : une certaine oxydation, un peu de grippage mécanique. Les lentilles sont voilées mais pourraient être nettoyées. Pour fonctionner et enregistrer des clichés, il lui faudrait un film de format 120. Mais il s’est passé tout autre chose que ce qu’on imaginait quant à son vieillissement : cette pellicule est presque introuvable. Voir « Fragment autobiographique n°1 » : http://jlggb.net/blog4/?p=455.