Vendredi 16 janvier 2015, Paris. Il y a 50 ans jour pour jour, je recevais de mes parents, en cadeau d’anniversaire, le livre de Maximilien Vox, Cent alphabets ‘Monotypes’. Faisons le point, édité par l’Union bibliophile de France, imprimé — en typographie — par Draeger le 27 décembre 1963, 136 pages, format 19 x 27,5 cm. C’est un beau livre devenu un classique, il est entièrement reproduit sur le site de Peter Gabor, ici. Je me souviens avoir eu un peu de mal avec la « classification Vox » — Famille des caractères classiques : humanes, garaldes, réales; Famille des caractères modernes : didones, mécanes, linéales; Famille des caractères d’inspiration calligraphique : incises, scriptes, manuaires, fractures — mais elle m’est restée et je continue à l’utiliser pour une part. J’ai appris récemment, par une doctorante qui travaille sur la dimension graphique et typographique du cinéma de Godard, que Maximilien Vox était l’oncle de Godard. Rapprochement qui m’intéresse puisque Godard m’a marqué et me marque encore.
Étiquette : Godard
Godard stéréoscope
Dimanche 4 janvier 2015, 19h — 20h, cinéma rue Cujas, Paris 5e. Revoir le dernier film de Godard, Adieu au langage, pour étudier sa façon de traiter la stéréoscopie cinématographique. Il a été beaucoup dit qu’il la « maltraitait ». Mais c’est d’une invention extrême, un bricolage au sens fort, un hacking poétique. Les plans avec le chien sont faits simplement, semble-t-il, avec une caméra-téléphone binoculaire. Parfois l’image de gauche et l’image de droite sont découplées et elles inscrivent deux vues distinctes de la même scène. Les focales, les mises au point, les incidences, les réflexions sont libérées des normes aujourd’hui conduites par le 3D numérique. Il y a encore des décalages dans le temps qui font toucher à une quatrième dimension. Mais surtout, et c’est ça que j’ai observé de près et compris, l’écart et l’angle entre les deux objectifs sont variables et souvent supérieurs à la distance « naturelle » entre les yeux. Tout se passe alors comme si l’observateur, le spectateur, question d’échelle, était plus grand que ce qui est filmé. Cette distanciation à la fois optique et artistique est géniale, les personnages sont à la fois « très en relief » et perçus comme petits, comme des figurines vivantes. Vers la fin du film, Godard et Miéville manipulent un stylo Pelikan et de l’aquarelle.
La Chinoise 2013
Dimanche 19 janvier 2014, 17h30, MC93, Bobigny. Déjà vue à sa création à Genève fin novembre 2013 (http://jlggb.net/blog3/?p=7276) : La Chinoise 2013. Le débat après la représentation est animé par Jean-François Perrier avec Michel Deutsch, auteur et metteur en scène, Lola Riccaboni, Géraldine Dupla, Zoé Schellenberg, comédiennes. Pendant ce temps, trois techniciens du théâtre effacent soigneusement les inscriptions peintes sur les murs blancs au cours de l’épilogue : « L’art est mort ».
Pour montrer la jeunesse intellectuelle française d’aujourd’hui, le spectacle réactive le film de Godard La Chinoise (1967), avec ses jeux de citations (d’abord de vrais morceaux de Godard), son montage fragmentaire, ses intermèdes musicaux, ses autoportraits filmés et regards caméra, ses couleurs primaires. Pièce historique en somme puisque son auteur est de cette génération qui a vécu les idéologies utopistes de la fin des années 60 et peut légitimement se saisir du dispositif de Godard, qui en était déjà une traduction distanciée, pour en donner, avec cinq jeunes comédiens et musiciens, une forme de bilan ironique, inquiétant et poétique. Dans sa « Note d’intention » il dit aussi :
Ainsi le passé et l’avenir sont en quelque sorte disqualifiés. Nous sommes condamnés au présent. Le monde ne nécessite plus d’être appris puisqu’il suffit d’un clic sur Google pour obtenir une réponse à la question posée. La dépendance à l’égard des prothèses technologiques paraît désormais fatale et le prêt à penser fabriqué par les « prescripteurs d’opinions » ne tolère aucune « déviance », aucune critique. http://www.mc93.com/fr/article/note-d-intention-par-michel-deutsch