Des collections : Les charbonniers

les charbonniers 1892
Mercredi 11 décembre 2013, 23h59, 93bis. Coïncidence (superposition) : alors que je prévoyais de publier la reproduction d’une petite peinture (huile sur toile, 32 x 40 cm, un peu rapiécée) achetée en 1985 aux puces de la porte de Montreuil, représentant des charbonniers dans une forêt (où ? Un tableau d’un style École de Barbizon tardif, version documentaire, datée de 1892, signé André Robert — peut-être), j’entends fortuitement à la radio la rediffusion d’un documentaire de 1977 intitulé « Promenade en Ardennes » et signé Michel Bichebois. C’est un morceau d’anthologie, en particulier pour sa séquence finale, un entretien avec « le dernier des charbonniers — ou fondeux — ardennais ». Il se nomme Agapit Delmont — Agapit tout court —, « homme des bois et philosophe, observateur scientifique de la nature et poète, bricoleur hors pair et mystique », c’est ce que je trouve sur Internet. Il était aussi sacristain de l’église des Hauts-Buttés. Il est resté là toute sa vie, de 1928 à 1979. Ses phrases douces sont ponctuées de « Voyez-vous » et « Comprenez-vous ». Il évoque les arbres, le travail du bois, les bruits, les odeurs : « le parfum du bois scié en ressortait plus volontiers. […] Ça marche par bouton aujourd’hui ». Et encore : « La vie civilisée d’aujourd’hui provient du bois. » Je découvre que c’est dans le même lieu, tout près de la frontière belge, que Julien Gracq situe son roman Un Balcon en forêt — quatre soldats dans la « drôle de guerre » — que nous avons connu à travers la belle adaptation au cinéma de Michel Mitrani, en 1979.
Écouter l’extrait : http://jlggb.net/blog4/wp-mp3/Promenade en Ardennes extrait.mp3

Derrière

rails fumee
Vendredi 6 décembre 2013, 13h48, trajet sur la ligne SNCF d’Orléans à Paris Austerlitz, Artenay, Loiret, usine de « sucres, alcools et céréales ».
1.
Si, dans le train, on regarde vers l’arrière, la vue se forme à partir de ses bords, ce qui est proche surgit dans le cadre, s’installe dans l’image et diminue pour disparaître en son centre. Comme passager, ma préférence va à cette disposition. Certes, si l’on conduit, il faut regarder vers où l’on va, futur qui a son incertitude. Dans le « travelling arrière », la perspective entretient notre mémoire immédiate et notre capacité de contemplation.
2.
On se plaît à citer la singularité des populations de langue aymara, dans les montagnes andines de Bolivie, du Pérou et du Chili. Pour elles, le passé se situe devant soi, dans le champ visuel, alors que le futur est derrière.
3.
On le constate de plus en plus souvent, l’expression derrière tend à remplacer après, ensuite. Inversion surprenante qui renvoie sans doute à la vision d’une étape, d’une conséquence, d’un avenir à découvrir.
4.
Les gens de télévision disent fréquemment, à ceux qui sont devant leur écran, qu’ils sont « derrière » leur écran.
5.
Dans l’autobus, le conducteur a changé sa phrase. Il dit « Avancez vers le fond » et plus « Avancez vers l’arrière ».

Chanéac (suite)

chaneac cellules amphores
chaneac cellules dessin
Vendredi 6 décembre 2013, 12h30, Orléans, FRAC. Chanéac, Cellules amphores, 1973, plâtre, métal, adhésif, carton et bois, collection FRAC Centre, Orléans. Chanéac, Cellules parasites, 1968, encre et feutre sur page de magazine, collection FRAC Centre, Orléans, donation Nelly Chanéac. Trois constructions de Jean-Louis Chanéac ont été documentées sur jlggbblog : « Maison Chanéac à Aix-les-Bains », 13 novembre 2011; « Immeubles de Jean-Louis Chanéac », 23 décembre 2011; « Une maison d’avant-garde », 23 décembre 2011.

« Proposant une alternative au royaume de l’angle droit en architecture, Chanéac défend un habitat aux formes courbes et ovoïdes, plus proches selon lui de l’homme et de la nature. Il développe des cellules polyvalentes et met à disposition des habitants des modules à monter et à assembler soi-même. Au travers des concepts d’Architecture insurrectionnelle et d’Habitat évolutif, Chanéac ne cessera de militer pour l’implantation libre de cellules individuelles, évolutives et mobiles, qu’il définit lui-même comme des cellules biologiques proliférant dans l’espace pour répondre aux besoins de l’instant. » (Cartels dans l’exposition)
Notice : http://www.frac-centre.fr/collection/collection-art-architecture/index-des-auteurs/auteurs/chaneac-58.html?authID=37
« La collection du FRAC Centre démarre dans l’après-guerre avec des mouvements tels que l’architecture-sculpture en France. Elle a pour point d’ancrage le mouvement radical qui marqua les années 1960-1970 en Europe. […] Le FRAC Centre a contribué à faire redécouvrir sur un plan international toute une génération d’architectes, ainsi Ionel Schein, l’inventeur de la première maison en plastique en 1956 ; Pascal Häusermann, Chanéac et bien d’autres. En Europe, dans les années 1950-1960, l’exploration de la mobilité en architecture conduit à la définition d’un nouvel espace, fait de modularité, de prolifération et d’agglomération de cellules.» (Site)

Archilab 2013

andrasek
junya-ishigami
Vendredi 6 décembre 2013, 10h-13h, Orléans, Frac Centre. Dans Archilab 2013, Naturaliser l’architecture, deux exemples de projets de pavillons conçus à partir d’algorithmes extraits de la nature ou mimant la nature. Alisa Andrasek (Biothing), Londres, Mesonic Fabric, 2009. Les formes résultent de la simulation informatique de principes d’attraction et de répulsion d’ondes électromagnétiques. Junya Ishigami (Kanagawa Institute of Technology), Japon, KAIT Workshop, 2009. Un ensemble de 305 colonnes très fines (de 16 à 60 mm) et d’une extrême légèreté, orientées de façon variable de manière à les équilibrer dans un système isostatique complexe. Voir : http://www.designboom.com/architecture/junya-ishigami-kait/

Les grands magasins

clients escalier
inscription en chinois
deux clients escalier
couple magasin
bus magasin soir
Mercredi 4 décembre 2013, 16h — 17h. Ce grand magasin parisien a une entrée spéciale et une zone spéciale pour les clients chinois. Leurs sacs d’achats portent les marques Gucci, Dior, Bottega Veneta, Longchamp, Balenciaga, Givenchy, Chloé, etc. Certains sont visiblement riches et à la mode, d’autres beaucoup moins. Il y a systématiquement, dans les rayons des marques de luxe, des vendeuses et vendeurs qui parlent le chinois.
Dans un récent échange avec Antoine Picon, professeur d’histoire de l’architecture, j’ai proposé la distinction entre deux époques : 1° « On trouve tout à la Samaritaine »; 2° « À chaque instant il se passe quelque chose aux Galeries Lafayette ». On est passé d’un commerce (et pas seulement le commerce) de la diversité localisée à celui de l’événement. Maintenant, la dictature du temps réel a glissé vers le flux permanent en réseau : on achète tout et tout le temps sur Internet; on circule sur la planète pour obtenir quelques objets spécifiques rendus désirables par leurs marques, qu’on peut trouver ici ou ailleurs.
Inscription en chinois : « banli tuishui denghouqu — file d’attente pour le remboursement de la taxe ».

Des collections : Atget, scierie à Paris

atget-bois-2000

1er homme
2e homme

Lundi 2 décembre 2013, 17h. Eugène Atget (1857-1927), Cour, 1914 (à Paris, à identifier). Tirage acheté vers 1986 au service photographique de la Caisse nationale des monuments historiques et des sites, cote MH 39.988. En consultant la base de données du Ministère la culture (environ 5000 clichés d’Atget), on constate que les cours intérieures sont un genre à part entière. On sait que la plupart des vues du « Paris pittoresque » sont vides de personnages. Mais ils apparaissent parfois aux fenêtres ou, comme ici, en fonction.
Cette photo a été publiée dans un ouvrage, Atget. Voyages en Ville, Éditions du Chêne, Paris, 1979, qui me semblait moins prestigieux que ceux, consacrés à Atget par le Moma de New York. Mais j’y redécouvre des reproductions parfaites. Le livre est imprimé à Tokyo, avec notre photo en double page, 42-43.