Lundi 16 juin 2014, 17h, rue du Colonel Driant, Paris 1er. Alors que nous marchons depuis le métro Louvre-Rivoli vers la Bibliothèque nationale, se manifeste ce que j’ai nommé, en 1989, le « syndrome de Montréal ». À Montréal, nous étions un petit groupe de collègues dans un hôtel situé rue Sherbrooke ouest. Pour aller jusqu’au vieux port au nord-est, je leur fis emprunter un trajet simple : d’abord vers l’est, puis vers le nord. Ils me reprochèrent unanimement un trajet trop long car nous aurions pu prendre un trajet oblique dans la ville en damier. Je m’évertuai à dire que la somme des segments de rues est la même, même si l’itinéraire est proche du chemin à vol d’oiseau. Ce réquisitoire s’est inscrit définitivement dans ma tête et je ne peux pas circuler dans un quartier hippodaméen (c’est le nom savant pour un plan quadrillé, orthogonal) sans penser √2 , ou, plus directement, sans chercher un maximum d’obliques. Les rues, les carrefours, ont une certaine largeur et l’on peut toujours plus ou moins couper d’un angle à l’autre. Il faut admettre aussi qu’il est plus agréable de se sentir aller dans la bonne direction. C’est ce que nous avions fait en septembre 1985 à Pékin avec notre « marche-performance » reliant les quatre temples des quatre points cardinaux de Pékin par un grand « losange » en « escaliers ». Pékin, comme son modèle Chang’an — l’actuelle Xi’an, qui a marqué Kyoto —, sont parmi les plus anciens exemples. La Chaux-de-Fonds, reconstruite selon un plan absolument orthogonal après son incendie de 1794. Turin, Le Havre, etc. et tant de villes américaines. San Francisco où la projection du damier se traduit par des pentes insensées. À Manhattan, la diagonale de Broadway est là pour soulager le malaise. L’Eixample, l’extension de Barcelone construite à la fin du XIXe, est une vraie solution : les îlots sont des carrés aux coins recoupés à 45 degrés. Avec des rues larges on y fait de véritables obliques peu sinueuses.