Samedi 22 août 2015, 14h30, Passage Saint-Pierre Amelot, Paris 11e. Dans ce quartier qui fut très occupé par la Poste, ce très intéressant bâtiment de figures de béton moulé, années 70. C’est un siège de la direction d’Orange. Je revois le titre du court-métrage que donna Godard en 1988 à France-télécom, La Puissance de la parole, librement inspiré de la nouvelle d’Edgar Poe.
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Mardi 11 août, 11h, Paris. Le livreur s’est présenté une deuxième fois, il a accompagné son arrivée à la porte par une conversation au smartphone. La géolocalisation du destinataire intermédiaire a été efficace, le voyage FedEx par avion aussi. On a pu le suivre sur le Net. Le livre a été produit sous Indisign et exporté en un Pdf spécial pour Blurb. Blurb, situé à San Francisco — mais peut-être l’imprimerie était cette fois aux Pays Bas — n’est pas seulement une cyber-entreprise et une imprimerie, c’est d’abord une usine d’emballage. Voir : https://vimeo.com/30056771
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Crassula ubiquiste
Livre, 200 pages
Version pdf : Crassula ubiquiste
Version papier à commander chez Blurb : http://www.blurb.com/b/5706690-crassula-ubiquiste
Vendredi 16 janvier 2015, Paris. Il y a 50 ans jour pour jour, je recevais de mes parents, en cadeau d’anniversaire, le livre de Maximilien Vox, Cent alphabets ‘Monotypes’. Faisons le point, édité par l’Union bibliophile de France, imprimé — en typographie — par Draeger le 27 décembre 1963, 136 pages, format 19 x 27,5 cm. C’est un beau livre devenu un classique, il est entièrement reproduit sur le site de Peter Gabor, ici. Je me souviens avoir eu un peu de mal avec la « classification Vox » — Famille des caractères classiques : humanes, garaldes, réales; Famille des caractères modernes : didones, mécanes, linéales; Famille des caractères d’inspiration calligraphique : incises, scriptes, manuaires, fractures — mais elle m’est restée et je continue à l’utiliser pour une part. J’ai appris récemment, par une doctorante qui travaille sur la dimension graphique et typographique du cinéma de Godard, que Maximilien Vox était l’oncle de Godard. Rapprochement qui m’intéresse puisque Godard m’a marqué et me marque encore.
Mardi 15 juillet 2014, 19h. Parce qu’Anne, qui termine sa thèse sur l’observation et la surveillance dans l’art contemporain, me demande de vérifier la traduction d’un fragment de Brecht, Histoires de Monsieur Keuner, je sors Histoires d’almanach, traduction de Maurice Regnault, L’Arche, édition de 1973, page 148 :
Histoires de Monsieur Keuner
Quand Monsieur K. aimait quelqu’un
« Que faites-vous, demanda-t-on à Monsieur K., quand vous aimez quelqu’un ? »
« Je fais de lui un portrait, dit Monsieur K., et je prends soin qu’il lui ressemble. »
« Qui ? Le portrait ? »
« Non, dit Monsieur K., l’homme. »Geschichten vom Herrn Keuner
Wenn Herr K. einen Menschen liebte.
« Was tun Sie, wurde Herr K. gefragt, wenn Sie einen Menschen lieben ? »
« Ich mache einen Entwurf von ihm, sagte Herr K., und sorge, daß er ihm ähnlich wird. »
« Wer ? Der Entwurf ? »
« Nein, sagte Herr K., der Mensch. »
Jeudi 19 juin 2014, 18h, gare du Nord. La grève des cheminots met en scène de nombreux employés aux gilets rouge « SNCF assistance » — et même un pianiste qu’on ne voit pas sur la photo. Autre tension ailleurs : les intermittents du spectacle. À la fin des années 60, je refusais de m’intéresser à La Société du spectacle de Guy Debord. Je prenais le spectacle comme un espace de liberté et un instrument critique. Maintenant que la société du spectacle est partout, il faut prendre La Société de l’intermittence* comme une chance. D’abord pour résister au « temps réel » — c’est l’informatique qui a inventé ce terme, pour gouverner les événements et le passage du temps.
*©jlggb
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Il vient de paraître en français : Jonathan Crary, 24/7. 24/24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 : le capitalisme à l’assaut du sommeil, traduit du par Grégoire Chamayou, conception graphique : deValence, Zones, La Découverte, 140 pages. Il traite de la « vie sans temps morts ».
Texte intégral : http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=185
Lundi 3 février 2014. Acheté depuis pas mal de temps mais lu en un jour : Stéphane Audoin-Rouzeau, Quelle histoire. Un récit de filiation (1914-2014), « Hautes Études » EHESS, Gallimard, Seuil, août 2013. La grande littérature n’a pas à proclamer son nom. Les écrits rapportés — lettres des grands-pères, récit dans le cours même d’une montée en ligne terrifiante, extraits de l’autobiographie du père, occupent une large place. Ils sont des monuments, au sens que le mot a chez Rousseau, des documents qu’il accumule, dans la seconde partie des Confessions, pour tenter de fournir des preuves. Pour ma génération, les monuments ce sont les monuments aux morts, d’abord de la Grande Guerre. On y est. L’auteur les installe dans une démonstration d’historien, factuelle, objective. Mais il laisse entrer un texte ouvertement subjectif. Il ne saurait en être autrement car il s’agit de l’expérience des « siens » et en fin de compte de lui-même. Stéphane Audoin-Rouzeau a choisi de devenir historien et précisément historien de la Grande Guerre — il l’est, parmi les plus considérables. On peut comprendre que ce fut la façon la plus juste de résister à la malédiction implacable qu’il révèle. Ce n’est pas seulement l’homme dans l’histoire mais l’histoire dans l’homme. En dépit des dénégations et des fuites, la violence de la guerre se transmet de génération en génération. Pour lui, l’un des pires crimes que l’on puisse connaître, c’est l’inconscience. Ses grands-pères, anciens combattants, ont été réduits au silence. Son père lui aussi n’a pas voulu comprendre et, en s’échappant résolument vers le surréalisme — dont il est devenu un grand spécialiste —, en s’attachant sans bornes à André Breton qui disait que parler de la guerre c’est lui faire de la réclame, il s’est engagé dans sa propre destruction fatale. [Curieusement, le surréalisme est cité dans deux billets récents]. Je recommande de lire ce livre, pour faire l’expérience de sa constante mise à distance qui laisse naître, au détour des pages, des révélations terribles comme du roman, pour reprendre conscience, sans concessions mais avec clairvoyance, d’un siècle de destin tragique. C’est-à-dire jusqu’à aujourd’hui. Et encore, plus généralement, pour savoir regarder comment le silence et les échappées peuvent nous asservir au passé dont on croit se défaire.