Le moment M.M.


Jeudi 19 mai 2010, 19h. En marchant rue Montmartre, nous sommes dépassés par un homme habillé de noir. Nous ne voyons pas son visage, mais nous avons l’intuition que nous le connaissons, d’autrefois. « C’est qui ? C’est peut-être M.M. ? Oui, c’est bien lui. » Pas revu depuis 15 ans peut-être. « C’est fou qu’on reconnaisse quelqu’un dans la foule, comme ça, à des indices inconscients. ». Quelques minutes plus tard, on le retrouve lisant Le Monde sur le quai de la station  Grands Boulevards-Rue Montmartre, direction Montreuil. Il descendra à République.

Livre, 2006.

Genet, où es-tu ?

Jean Genet, L’Atelier d’Alberto Giacometti,
avec 33 photographies d’Ernest Scheidegger, L’Arbalète, Marc Berbezat, édition originale de 1963.
Archives JLggB

Les livres vieillissent mieux que les lieux.

À mon arrivée à Paris, je logeais au métro Villiers et il m’arrivait de manger au self-service qui occupait le sous-sol du Théâtre de l’Empire, avenue de Wagram, Paris, 17e. On accédait tout droit à cette très vaste salle rectangulaire, sans fenêtres, haute de plafond. Il y avait des centaines de tables et chaises en formica rangées en allées. Un jour, au début de l’année 1970, je vis Jean Genet qui mangeait là tout seul. Je n’étais pas certain que ce fût lui; mais depuis je m’en suis persuadé. Le théâtre de l’Empire, qu’on a vu à la télévision avec l’École des Fans de Jacques Martin, a été détruit et a fait place à un assez beau bâtiment, l’hôtel Marriott, dont l’architecte est Christian de Portzamparc, inauguré il y a un an, en avril 2009.


Vendredi 16 avril 2010, 15h. Au sous-sol du 41 avenue de Wagram, c’est désormais un « concept store » Silvera, dont l’architecte-designer est le très à la mode Patrick Jouin (les stations Vélib, les nouvelles sanisettes, etc).

Le pouvoir du dessin

Jeudi 1er avril 2010 vers 16h, brocanteur, rue Duguay Trouin, Le Havre (près le l’école d’art). Est-ce l’empreinte de la reconstruction des années d’après guerre ? On trouve là de nombreux livres techniques ayant trait aux techniques constructives. Celui-ci, très intéressant par la qualité de sa couverture (la ligature est en relief), des dessins techniques (élégants, précis, intelligibles), des photographies, de l’impression : L’aluminium dans les réseaux de distribution à moyenne et basse tension, édité par L’Aluminium français, 23 rue Balzac, Paris, 1952, 96 pages, annexe de 40 pages, 15 x 22 cm. Il s’agit de décrire les techniques de l’utilisation des fils conducteurs à base d’aluminium (et de corriger les erreurs ayant précédemment été faites en reprenant les techniques en usage pour les fils de cuivre). L’ « attache croisée renforcée » en est le point clé car la ligature apparaît comme le point faible de l’installation des lignes aériennes en aluminium.

Vivre sa vie

[flv:https://jlggb.net/blog2/wp-flv/vivre.flv 320 240]

Extrait de Jean-Luc Godard, Vivre sa vie, 1962. Photographie : Raoul Coutard. Chanson de Jean Ferrat. Anna Karina, Jean-Paul Savignac, Jean Ferrat.

Jean-Luc Godard est né le 3 décembre 1930. Jean Ferrat est né le 26 décembre 1930. « Cela commence tôt, dès sa rupture avec une famille de la grande bourgeoisie protestante. […] Jean-Luc Godard se rêve tantôt juif, tantôt palestinien » (Jacques Mandelbaum, Le Monde, 11 mars 2010, à propos du livre Godard, Biographie d’Antoine de Baecque, Grasset, 944 p., 2010). « Jean Ferrat, né Jean Tenenbaum, perd son père à 11 ans, lorsque ce juif émigré de Russie est déporté à Auschwitz » (Libération, 13 mars 2010).

Godard veut qu’elle soit Louise Brooks. Anna Karina, au moment du film Vivre sa vie, a 22 ans. Elle connaît une crise dépressive, elle fait une tentative de suicide, le tournage s’arrête une semaine. C’est ce que je suis en train de lire, dans la biographie de Godard achetée hier, quand s’affiche sur mon iPhone le message « Dernière minute. Le chanteur Jean Ferrat est mort »

Samedi 13 mars 2010, vers 16h. Écran du iPhone.


Antoine de Baecque, dans Godard, Biographie, page 207, souligne que Brecht devient, à l’occasion de Vivre sa vie, une référence majeure pour Godard, ce dont témoigne son emploi de la chanson de Jean Ferrat, Ma môme, 1960.

Jean Ferrat. Disque 45 tours Decca, 1960.

Sculptures miniatures du Ghana, 1400-1900


Samedi 7 février 2010, 16h, galerie Barbara Wien, Linienstrasse 158, Berlin : exposition à l’occasion de la publication du livre African Goldweights: Miniature Sculptures from Ghana 1400 -1900 de Tom Phillips (sa collection personnelle, commencée il y a trente ans). Deux vitrines de ces toutes petites sculptures, très belles et très impressionnantes. Malgré l’autorisation de la galeriste, je ne cherche pas à les reproduire, préférant une certaine distance.


Le site « officiel » de Tom Phillips : http://www.tomphillips.co.uk/index.html
Son blog : http://tomphillipsinfo.blogspot.com/

L’art de la mémoire


Jeudi 28 janvier 2010, 9h15, métro ligne 13, direction Saint-Denis-Université. Un livre avec le tampon VINCENNES sur la tranche, de la bibliothèque universitaire de Paris-8-Vincennes-Saint-Denis. Le déménagement de l’université de Vincennes à Saint-Denis a eu lieu en 1980 mais les livres ont continué à être marqués Vincennes.
[flv:https://jlggb.net/blog2/wp-flv/metromemoire.flv 400 300]Moment : métro ligne 13, entre les stations Garibaldi et Porte de Saint-Ouen. Lecture : Frances Yates, L’Art de la mémoire, Gallimard, 1966.
C’est ici le premier essai d’une vidéo faite avec le iPhone dans les conditions d’une caméra « déguisée » en balladeur (avec écouteurs).

L’Art de la mémoire, page 48 (photo) :
« Aristote utilise, pour les images tirées des impressions sensorielles, la métaphore qui les compare à l’impression d’un sceau sur la cire. Pour lui, les impressions sont la source fondamentale de toute connaissance; bien que l’intellect pensant les épure et les transforme en abstractions, il ne pourrait exister de pensée ou de connaissance sans elles, car toute connaissance dépend des impressions sensorielles. »

Araki Archeology

L’idée était de trouver un truc pour faire monter l’audience de ce blog volume 2. Sur le volume 1, l’apparition du mot manga (et aussi du nom rue Keller) accompagnant une photo de deux jeunes adeptes du cosplay (« Bastille manga », 26 août 2009), puis d’une référence à l’artiste japonais Takahiro Iwasaki à la Biennale de Lyon (« Montagne », 20 septembre 2009), avaient fait doubler le nombre de visiteurs. La réponse se trouvait sous mes yeux et en restant à ma table pour faire trois photos : une figurine en pendeloque d’un chat-araki (offerte par Hajime T.; il faudrait expliciter, à partir de diverses traditions japonaises, pourquoi les nœuds et autres amulettes ont de telles proportions au Japon, au point qu’on ne puisse pas fabriquer un téléphone, un briquet, un sac, etc. sans prévoir un orifice ou une boucle pour les attacher). De Nobuyoshi Araki (荒木経惟) on est passé au numéro d’octobre 1990, « Japon », de La Recherche photographique (dont j’étais le directeur artistique), puis à un CD-ROM rarissime du même Araki, 1997, qui hélas ne peut pas être lu sur les ordinateurs d’aujourd’hui. On verra le résultat. Mais c’est déjà un assemblage vite fait et attrayant.




Nobuyoshi Araki, figurine, 1999; Nobuyoshi Araki, de la série « Tokyo Nude », 1989, La Recherche photographique N°9, Paris, 1990; CD-ROM « Digitalogue Home Museum Series-13 », Tokyo, 1997.

Correspondance :
La question posée à Miki O. du nom et de l’origine des pendeloques japonaises, sa réponse :

Ce truc s’appelle « strap » (ou keitai-strap, 携帯ストラップ, donc c’est en anglais, je pense qu’il n’y a pas de mot japonais), comme vous l’avez dit, cela a une histoire dans la culture japonais (plutôt chez les jeunes), et je crois que l’on pourrait faire quelques analyses intéressantes.
Il y a 10 ans ou à peu près, entre les filles, les lycéennes, les collégiennes, ça se développait : variation de thèmes et de dessin, influence de la sub-culture, etc. Autour de moi beaucoup de lycéennes mettaient trop de « strap » à leur portable (10 ou plus). Aujourd’hui cette mode est plutôt pour les garçons otaku puisque beaucoup de straps sont des personnages d’animations (ou nana sexy, femme en uniformes, etc.). En tous cas, c’est toujours à la mode, je crois.
Exemples : http://www.strapya.com/products/33022.html
Et le mien :

Exploration :
On trouve trace de la pendeloque Araki au moins deux fois sur le Web (à condition de partir des mots en japonais) :
http://www.elephant-picture.jp/araki/
Ou encore, dans un post du 15 avril 2006 où il est question d’une rencontre avec Araki :

http://blog.livedoor.jp/otani_arc/archives/50589092.html

Il est amusant de noter que cet araki-strap est toujours à sa place sur un clavier d’ordinateur.

The Craftsman (Making is thinking)


Mercredi 23 décembre 2009, 13h, 6 rue Princesse, Paris 6e, librairie Village Voice. Acheté le livre de Richard Sennett, The Craftsman, Penguin, 2009. Avant d’en lire une ligne, sauf peut-être le titre, on est intéressé par un objet remarquable, une édition de poche très smart : bon format, volume très souple, relief des (faux) crayons de la photographie souligné par un gaufrage du papier de la couverture. En plus : ces images de crayons rappellent l’installation de 2001 au Centre Pompidou, les 1024 crayons et les 1024 photos qu’elle contient.


J.L.B., Mémoire de crayons, Centre Pompidou, Galerie des enfants, 14 avril 2001.


Richard Sennett [photo Teri Pengilley]

Richard Sennett, Ce que fait la main. La culture de l’artisanat, Albin Michel. À paraître en janvier 2010. Traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat
En proposant une définition de l’artisanat beaucoup plus large que celle de « travail manuel spécialisé », Richard Sennett soutient que le programmateur informatique, l’artiste, et même le simple parent ou le citoyen font œuvre d’artisans. Ainsi pensé, l’artisanat désigne la tendance foncière de tout homme à soigner son travail et implique une lente acquisition de talents où l’essentiel est de se concentrer sur sa tâche plutôt que sur soi-même. Dans ce livre stimulant, Richard Sennett aborde l’expertise sous toutes ses déclinaisons. Nous voyageons ainsi à travers le temps et l’espace, des tailleurs de pierre de la Rome antique aux orfèvres de la Renaissance, des presses du Paris des Lumières aux fabriques du Londres industriel ; nous observons les expériences de l’informaticien, de l’infirmière, du médecin, du musicien ou du cuisinier. Face à la dégradation actuelle des formes de travail, l’auteur met en valeur le savoir-faire de l’artisan, coeur, source et moteur d’une société où primeraient l’intérêt général et la coopération. Et tandis que l’histoire a dressé à tort des frontières entre la tête et la main, la pratique et la théorie, l’artisan et l’artiste, et que notre société souffre de cet héritage, Richard Sennett prouve que « Faire, c’est penser ».
Texte de l’éditeur français.


Bathed in Light The double-height living room in Richard Sennett and Saskia Sassen’s carriage house is illuminated by casement windows and a skylight. (Richard Sennett and his wife, Saskia Sassen.) [Photo Damon Winter/The New York Times, Published: September 23, 2007]

Emigre : 25 ans

Emigre, dont le magazine s’est arrêté au printemps 2005 avec le numéro 69, marque ses 25 ans avec un très beau livre : Emigre No.70: The Look Back Issue – Celebrating 25 Years in Graphic Design, Gingko Press, Berkeley, 2009 (512 pages).

base-monospace
Paris, vendredi 4 décembre 2009, 22h. Double page du numéro 43 d’Emigre, été 1997, consacrée au caractère Base Monospace, dessiné par Zuzana Licko (prononcer litchko, 1961, Bratislava) co-fondatrice, en 1984, de la société Emigre, avec Rudy VanderLans (La Haye, 1955). Voir : jlggbblog, « Brecht à Istanbul », 11 septembre 2009.

licko_vanderlansZuzana Licko, Rudy VanderLans