La rue sans nom

rb-street-view
rue_r-barthes
Dans ce système de repérage topographique et toponymique désormais universel qu’est Google Maps, on peut trouver la rue Roland Barthes à Paris, près de la gare de Lyon. Mais son nom n’apparaît pas sur la carte (dans Street View, si). Pourquoi ? Il y a pourtant une adresse dans cette rue, celle de l’Agence Française de développement.

afd
Agence Française de développement, 5 rue Roland Barthes, Paris 12e, 1998, Christian Hauvette / BCM (A. Bical, L. Courcier, R. Martinelli) rue Roland Barthes, rue de Rambouillet, bord gare de Lyon. Le siège de l’AFD se développe le long des voies de la gare de Lyon. Christian Hauvette et l’équipe de BCM ont créé un bâtiment largement vitré (avec une sérigraphie « frigorifique »), en redent sur les voies. Ces redents permettent d’éclairer en premier jour les bureaux encloisonnés. La façade côté mail se fait plus calme et linéaire, juste rythmée par les failles de lumière. (Archiguide).

Mais il semble évident que personne n’habite rue Roland Barthes. Ce serait pourtant pratique, à deux pas du tgv. Pourquoi cette rue courte, qui ne consiste qu’en une chaussée et un immeuble, a-t-elle reçu ce nom ? Cherchant chez Barthes lui-même, on pense tout de suite à cette remarque, souvent citée (mais finalement à demi fausse) :

« Les rues de cette ville n’ont pas de nom. Il y a bien une adresse écrite, mais elle n’a qu’une valeur postale, elle se réfère à un cadastre (par quartiers et par blocs, nullement géométriques), dont la connaissance est accessible au facteur non au visiteur […] » Roland Barthes, L’Empire des signes (Skira, 1970)

En vérité, sur place, il y a au moins 5 ou 6 plaques : ROLAND BARTHES, 1915-1980, écrivain et sémiologue français. Avant lui, aucun sémiologue n’avait donné son nom à une rue, ni à une place, ni à une avenue.

rue-roland-barthes
Mardi 5 mai 2009, 17h.

Le punctum Adam


Jeudi 30 octobre 2008, entre 16 et 17h, 48 rue du Casino, Aix-les-Bains.

Aix-les-bains, qui fut capitale d’une certaine élégance de riche, du petit-bourgeois sous influence aristocratique et donc littéralement snob, conserve un tout petit nombre de ses lieux. La chemiserie, confection pour homme, Adam n’a pas bougé depuis un demi-siècle, ni le décor, ni les vêtements. Le patron, âgé, est en général dans l’arrière du magasin. À travers la porte vitrée, on peut photographier sans déranger personne. Sur la photo, un détail, qui ne s’impose pas d’emblée, mais qui, une fois repéré, détourne à lui seul le sens de l’image, pourtant saturée de détails. Vérification du punctum dont Roland Barthes faisait la clé de la lecture de la photographie (ce point qui nous poigne et nous point, c’est de là que l’œuvre regarde le spectateur). C’est à voir, car ce détail médusant, le point le plus lumineux de l’image, pourrait être aussi le signifiant le plus ostensiblement « obvie » d’un décor qui, en l’occurrence, est incontestablement barthésien. Mais Aix n’est tout de même pas Biarritz.


Affiche de Pierre Bernard, Centre Pompidou, 2003