Le lien par anticipation

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Pierre Bayard, Le Plagiat par anticipation, Minuit, 2009.

Dans les billets du 9 janvier 2009 : « Appel à reconnaissance de forme », puis du 1er février 2009 : « Le mot Haken », se formait l’histoire de la recherche d’identification d’un objet (un porte-manteau) qui allait de Nice à Berlin en passant par Paris. Or voilà qu’avec « Le blog d’avant le blog », petit coup de théâtre, ce même objet apparaît, photographié dans les toilettes du Kunstmuseum de Bâle, le 13 juillet 2005. On pourrait prendre cela pour une prémonition, pour un intérêt inabouti ou pour une interprétation rétrospective. Compte tenu du succès de l’enquête (le porte-manteau a été identifié comme produit de Lubeck Beschläge, Mommsenstraße 4, 42289 Wuppertal) il faut parler de « découverte par anticipation », à la manière de Pierre Bayard qui a démontré la nécessité de la notion de « plagiat par anticipation ». Certes, la première apparition du porte-manteau à Bâle, avant Nice, ne devait pas conduire à une investigation particulière, mais elle n’en constituait pas moins une élection qui ne devait prendre tout son sens que trois ans et demi après et mériter alors le qualificatif  d’anticipation. Le manque qui s’est exprimé en janvier ne disposait-il pas, sans éveiller le moins du monde la conscience, d’une satisfaction potentielle dans son lieu même, ce blog ?

Les trois photographies ci-dessous, qui attendaient, attestent incontestablement une destination, doublement méritée aujourd’hui, qui leur épargne le classement en « blog d’avant le blog ». Une question se pose alors : faut-il, dans un blog basé sur la chronologie et les liens rétrospectifs, placer des « liens par anticipation » ? Autrement dit, lier les billets « Appel à reconnaissance de forme » et « Le mot Haken » à celui-ci.

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Perfection de la laque grise. Toilettes du Kunstmuseum de Bâle, 13 juillet 2005 à 12h30.

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Pour mémoire, les exemplaires de Nice et de Berlin.
Les différences sont des variantes de tailles du même modèle.

Attraction et méfiance


Hegelplatz, Dorotheen Strasse, Berlin, 30 janvier 2009, 17h15.

Berlin 30 janvier. À cinq heures, il fait déjà nuit. En marchant rapidement (la galerie de destination ferme à 6 heures), c’est le mot HEGEL qui accroche l’esprit. C’est peut-être le gel : la réflexion chemine moins vite que les NewBalance, il faut revenir longuement sur ses pas pour chercher une vue possible. Circuler des jours entiers dans Berlin fabrique un carte de points, d’images-objets, de zones et de frontières, un enchevêtrement obsédant de cartes où les souvenirs-fétiches personnels cherchent à se caler sur ce qu’on connait de l’histoire, si l’on peut désigner ainsi un monde d’une complexité étourdissante.

On n’avait pas eu à penser à lui depuis quelque temps. Il existe donc encore quelque part, ici derrière l’université Humboldt, dans une imitation Beaux-Arts. Enregistrer son image est une façon de conjurer un malaise. Ne s’est-on pas réclamé de sa dialectique, sans en savoir bien plus. Pour éclaircir ça, il fallait retrouver, par exemple, cette citation de François Châtelet, dans Une histoire de la raison, Entretiens avec Emile Noël ( Points Seuil, 1992, p.169) : « […] il faut se méfier de l’hégelianisme, car, dans la mesure où il assigne un cours nécessaire au destin de l’humanité, il peut — et il a, hélas ! servi à — justifier des régimes de terreur comme étant des étapes nécessaires sur le chemin de la réussite. »


François Châtelet, Une histoire de la raison, Entretiens avec Emile Noël , Points Seuil, 1992
Photo : L.V.

Christoph Korn, artiste militant

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Berlin, mercredi 4 février 2009, galerie [DAM]Berlin, 37 Tucholtskystaße, dans le contexte de Transmediale Berlin 2009. La pièce conçue par Christoph Korn (*1965) en 2008, intitulée NON Maschinen, consiste en cinq ordinateurs. La 1ère application éteint l’ordinateur après 11 jours sans rien produire auparavent. La 2ème gère une « simple NO Machine » (?). La 3e est plus complexe, sans bouton de démarrage. La 4e qui compte jusqu’à cinq pendant trois jours. La 5e consiste seulement en un bouton OFF. Site : http://www.christophkorn.de

Le mot Haken


Restaurant « Bio fast food » Gorilla, 120 Friedrichstrasse, Berlin, 30 janvier 2009, 12h30. Ce deuxième modèle de crochet, noir mais de forme identique à celui de l’hôtel de Nice, a été une incitation à reprendre l’investigation.

On savait que la reconnaissance automatique des formes n’était pas tout à fait pour demain; celle qui ferait que la machine, alimentée par la photo du porte-manteau de l’Hôtel de Nice, trouverait l’origine de l’objet, son fabricant, sa référence, son nom, son prix. On sait aussi que le commerce n’a cependant pas attendu pour mettre en place des « moteurs de recherche humains » qui, parcourant à longueur de temps les pages du Web, interrogeant Google par les images associées à des mots, réussissent fort bien dans cette tâche.

Si l’« Appel à reconnaissance d’une forme » issu du 26 décembre n’a pratiquement rien donné (il faut dire que ce blog ne fait rien pour attirer les lecteurs interactifs), une recherche endogène, du Web sur le Web, pouvait aboutir. À condition de passer par les mots. L’architecte de Nice, rencontrée et interrogée directement à Paris le 8 janvier, a parlé de l’Italie. Mais le sentiment qui s’était formé était qu’il fallait chercher en Allemagne : le minimalisme, l’austérité, le fonctionnalisme métallique et éloxé. Après l’essai, sans succès, de l’anglais hook, le nom Haken a été mis à l’épreuve. Il a fallu plusieurs tentatives et fausses pistes. Un objet ressemblant a bloqué la perspective pendant près d’un mois. Il venait de Huthaken. Il fallait passer par Kleiderhaken. Puis penser à entrer dans de vastes catalogues, à partir d’une image « fausse » mais apparentée.

http://www.lubeck-beschlaege.de contient le résultat :

Lubeck Beschläge · Mommsenstraße 4 · 42289 Wuppertal

Produkt: Kleiderhaken, Handtuchhaken, Artikel-Nr.: L.12040, Katalogseite: 12.11, Kurzbeschreibung: Garderobenprofilhaken 4 mm, A 90 mm, H 150 mm , Alu silber eloxiert, Alu schwarz eloxiert, Alu neusilber eloxiert, Alu gold eloxiert, Alu farbig lackiert. Wir helfen Ihnen gerne weiter: Tel. 0202 – 264 802-0.

Occupation (19. Représentation permanente)

Toujours pleine de monde et très animée, la brasserie StäV (Ständige Vertretung), Schiffbauerdamm 8 à Berlin (à deux pas du Berliner Ensemble), doit son nom aux « représentations permanentes » qui faisaient office d’ambassades entre Berlin (RDA) et Bonn (RFA). En 2009, 20 ans après la chute du mur, on peut lire une part de l’histoire de l’Allemagne dans les photos qui ont suivi le rapatriement de l’établissement de Bonn à Berlin.


27 janvier 2009, vers 23h, ces quatre buveurs de bière parlent anglais entre eux. Au dessus d’eux, une photographie de quatre hommes attablés, au centre, Willy Brandt (photo l’appareil posé sur le haut d’un verre).


La bière est unique ici à Berlin. C’est la bière de Cologne Gaffel Kölsch qui est servie dans un verre cylindrique étroit (photo en posant l’appareil sur le verre).

L’anti dérive ?

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Brochure d’information de la Allgemeiner Deutscher Gewerkschaftsbund (Confédération allemande des syndicats), Berlin, 1926.

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Berlin, mardi 27 janvier 2009, 14h30. À l’angle de la Wallstraße et de l’Inselstraße, le bâtiment bien conservé de la Allgemeiner Deutscher Gewerkschaftsbund conçu en 1922-1923 par Max Taut (1884-1967). Il s’agit de traverser la ville pour voir des constructions historiques du XXe siècle. Et cependant, l’itinéraire sera intéressant tout autant par ses à-côtés. Comme par exemple :

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La sation de métro Kottbusser Tor, avec ses plaques émaillées noires et ses carreaux gris-roses brillants. La typographie est très proche du Futura (Paul Renner, 1928). La ligne 8 du métro de Berlin, construite autour de 1900, conserve une architecture remarquable.
Voir : http://www.fotoalbum-berlin.de/OEPNV/U-Bahn/Linie_U8/

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Un ensemble de logements modernes à l’architecture intéressante, Skalitzer Straße, métro Kottbusser Tor (le quartier, c’est « Kotti »). De l’autre côté de la place, c’est encore un gigantesque complexe de logements sociaux des années 1970, que l’on a appelé Nouveau Centre de Kreuzberg (NKZ) et qui est devenu quartier « à problèmes », « la nouvelle scène de la drogue du sud de Berlin ». La rénovation par la peinture fait partie des tentatives pour sauver ce quartier qui abrite quelque 200 000 immigrés turcs.

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Non loin de là, une vitrine du marchand de couleurs (et de pinceaux) pour artistes Farben Kacza, Oranienstraße 172-173, Berlin-Kreuzberg.

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Vu sur Internet, février 2009 (Ne pas fermer les yeux !!! Drogues hors de Kottbusser Tor !).
Photo DDP Berliner Morgenpost

Vue : bureaux très tôt le matin

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Latitude : 52.524088257. Longitude : 13.384226818. Lundi 26 janvier 2009, 8h. Berlin.
Vue depuis le dernier étage d’un hôtel bâti en courbe dans un espace étroit, tout près du grand bunker de la Reinhardtstrasse, à l’angle de la Schumannstrasse. Les bureaux ont commencé à s’éclairer avant 7h. En bas à gauche on voit un enfant accompagné à l’école en suivant un chemin public qui traverse une zone de bâtiments anciens appartenant à la Charité, hôpital universitaire de l’université Humboldt.

La Vierge au savon

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Berlin, Hamburger Bahnhof, samedi 24 janvier 2009, 20h, rétrospective Beuys Die Revolution sind wir : Basisraum Nasse Wäsche (Jungfrau), environnement, 1979. Le cartel dit qu’au début de l’année 1979 Beuys a vu le palais Liechtenstein de Vienne qui devait accueillir la collection du musée d’art moderne et qu’il en est arrivé à la conclusion que les salles n’étaient bonnes qu’à étendre le linge. À partir de là, la pièce qu’il a produite thématise une interrelation complexe entre un processus économique à réformer, une purification alchimique et mentale et la Junfrau (vierge).

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Joseph Beuys lors de la construction de l’installation Jungfrau Basisraum Nasse Wäsche,
4e Internationale Graphikbiennale der Wiener Secession, 1979. Photo : Hans Nevidal, © VBK, Wien.