Dimanche 30 juin 2024, 12h, Paris. Objet technique, utile, familier. Et historique car ce boîtier d’autobus provient de la RATP, élément de l’installation créée collectivement à partir du département Arts de l’Université Paris 8, en 1984, pour l’exposition « Les Immatériaux » du Centre Pompidou : Le Bus ou l’Exercice de la découverte. Relationnel et performatif, par le geste du doigt, par les mots, pour indiquer, pour obtenir une réponse, pour descendre, pour s’approcher et regarder. Image publiée aujourd’hui sur les réseaux, les circonstances lui apportent un sens particulier. Arrêter c’est d’abord, paradoxalement, contredire le « pétrifier » qui s’annonce. Car « être à l’arrêt est le contraire de l’histoire. L’histoire est un élan, un espoir, une manière de se libérer. » Mots de l’historien Patrick Boucheron, émission de débat « C’est ce soir », France 5, jeudi 27 juin 2024.
Étiquette : rouge
Artifice (Ch. 163)
Mardi 28 mai 2024, 23h59, Paris. Firefly est l’instrument récent d’une génération d’images à partir du langage. La phrase est « figurine de canard en verre rouge ». Mais beaucoup de langage, dont on ne connaîtra pas les termes, vient de deux images préalables : la photo d’une bouteille de verre rouge et la photo d’une statuette de bronze, la première pour indiquer un « style », la seconde pour indiquer une « structure ». De la boîte noire de l’intelligence artificielle, on ne voit que l’entrée et la sortie. Dans le registre immense des statistiques, il faut user de préférences longuement répétées, ruser pour échapper aux stéréotypes. Et ne pas perdre de vue qu’avant d’être des images et des mots, il s’agissait d’objets singuliers. La bouteille rouge a été rapportée d’un voyage d’initiation au design, à Stockholm en 1963, c’est une pièce signée par Erik Höglund pour la fabrique Boda. La statuette a été achetée il y a quelques jours dans la rue à Bruxelles, son vendeur était très savant sur l’origine, la technique, l’usage, chez les Dogons. Et puis encore, la figurine est moulée à la cire perdue et elle figure un animal.
Mimer (Ch. 115)
Barrer (Ch. 85)
Mardi 17 décembre 2019, 15 h, place de la Nation. Je suis capable de vibrer frénétiquement dans le vent, avec mon rouge et blanc, mais aussi d’attendre très calmement. On m’a déroulé pour être attaché entre deux poteaux de feux pour barrer la rue. Je connais ma fragilité mais aussi ma force symbolique. Ce soir j’ai un rôle dans une très grande manifestation qui vient de la République en passant par la Bastille.
Le regroupement familial (Ch.5)
Paris, mercredi 5 août 2009, 22h30.
Tolomeo Micro rouge, la première, a été pendant plusieurs années la seule de son espèce. Elle était arrivée sur une fausse table de nuit à la faveur d’un anniversaire. Puis, sous prétexte de symétrie, une deuxième Tolomeo Micro rouge avait été apportée. Sans le montrer trop, Numéro un ne l’avait pas très bien pris. Elle révéla son point faible, celui de la toute première génération, un pivot d’aluminium trop fin, qui se brisa. Réparée, elle retrouvait sa place, mais des bouleversements se préparaient, les chambres allaient se transformer en bureaux. Numéro deux a fait un stage d’un mois dans une exposition high-tech aux Arts décoratifs. Elle a été beaucoup photographiée, filmée et même dessinée. À son retour, elle avait la grosse tête. L’origine des Tolomeo ne faisait plus mystère pour personne, best-seller absolu autant dans les bureaux que dans les appartements du standard chic. Il est difficile de venir du postmoderne années 80 tout en illustrant le fonctionnalisme moderne. Il faut dire que d’autres Tolomeo, Micro aussi, pour ne pas être trop ostentatoires, mais aluminium, étaient maintenant dans des espaces voisins. Numéro deux s’est retrouvée dans la cuisine, tandis que Numéro un étaient délaissée dans une pièce équivoque. Et puis d’autres Tolomeo Micro Alu trouvaient tout de suite de bonnes places en province. Mais en appliques, est-ce une vie ? Un recours s’imposait alors à Numéro un, rejoindre la cuisine (photo).
Pendant ce temps, la vie de deux petites Luxo, venues de Venise, était véritablement mouvementée. Portent-elles légitimement le nom ? Leurs ancêtres des années 30, fabriquées à Oslo, pourraient-elles reconnaître ces Lilyna italiennes ? Certainement, mais leur lignée semble éteinte (note). Technique d’un autre âge. Pourtant, leur petit-cousin américain a fait la fortune hollywoodienne de son concepteur. Elles ont connu tour à tour un séjour au rez-de-chaussée, dans une ambiance certes plus vivante, mais non sans risques. C’est ce qu’on appelle être cabossé par la vie. Elles viennent de se débarrasser de leurs tags argentés et dorés, mais elles ne triomphent pas. D’ailleurs l’une d’elles ne s’allume plus (photo).
John Lasseter, Luxo Junior, Pixar, 1986
Demie-sœur de Tolomeo (Artemide), Oceanic (Memphis), par Michele de Lucchi, 1981.
Note : un passge à Venise en septembre 2009 permet de contredire cette impression : on y voit des lampes Luxo et Lilyna (blanches) made in Italy.