Copies d’écrans de deux films interactifs juxtaposés dans l’installation Modus operandi, 2003.
Modus operandi, installation vidéo-interactive, 2003. Dessin du dispositif.
FICHE GÉNÉRIQUE
Modus operandi, installation vidéo-interactive, 2003
Conception et réalisation : Jean-Louis Boissier.
Production : laboratoire Esthétique de l’interactivité, Université Paris 8, Association Transports.
Laboratoire Esthétique de l’interactivité, Université Paris 8, avril 2003 : les deux écrans du dispositif de Modus operandi.
ARGUMENT
Le mouvement que connaît le film dans le projecteur lui restitue un temps dont il a été asséché. La mise en action que connaît l’image interactive dans son interface lui restitue une relation dont elle a été réduite. À l’appui de cette proposition, je peux citer l’expérience récente conçue autour de gestes simples pour l’installation Modus operandi (2003) : couper un citron, lancer une balle, tendre un élastique, essuyer des lunettes, toutes ces images peuvent être jouées par un même geste, celui de tourner un bouton à gauche ou à droite, en insistant ou pas. Notons que l’installation présente simultanément deux séquences indépendantes l’une de l’autre mais actionnées par le même bouton. Ainsi est mise en évidence l’unicité de la commande, autrement dit le caractère unique de cette relation qui provient du joueur, tandis que la véritable interface, ce sont les images elles-mêmes, dans leurs variations et dans leurs différences. Une remarque à propos de ce bouton. Il s’agit d’un contrôleur comparable à celui dont dispose une table de montage vidéo, de la même famille que la manivelle de la visionneuse cinématographique. L’instrument capable de réinjecter le temps s’identifie, dans notre expérience, à celui qui permettrait de réinjecter de la relation. Tourner la manivelle de la caméra ou de la visionneuse sont des opérations sans significations propres, mais aptes précisément à produire un contenu sémiotique référencé aux objets qu’elles traitent. L’opération inverse fait sens à son tour. Abstraire la relation, pour la donner à réactiver ensuite, participe à la signification, sous un régime d’embrayeurs et d’une manière d’actes de langage.
L’aspect rudimentaire de ce bouton de contrôle oblige à donner toute son importance à la dimension temporelle de l’interaction. Cette dimension, qui appartient à la relation, existe toujours mais on l’oublie, elle est en quelque sorte masquée par les interfaces que l’on doit actionner, par le temps réel qui n’est autre que celui de l’opérateur. Tourner à gauche ou à droite, mais à quel moment, dans quel tempo, dans quel accord avec la séquence d’images ? Cette situation binaire inscrite dans le temps permet notamment au joueur d’insister, de maintenir sa demande, son action, et, symétriquement, d’abandonner, de laisser à la machine la possibilité et le temps d’agir. Dans la typologie de quatre couleurs conçue pour Le Petit Manuel interactif, citée plus haut, deux couleurs intermédiaires doivent s’ajouter : entre le bleu du suspens et le vert de l’instabilité, le bleu-vert doit signifier que le joueur, ou bien le programme, décideront de la sortie d’un état en suspens ; entre le rouge de l’irréversibilité et le jaune de la réversibilité, l’orange doit signifier que si le joueur cesse d’actionner une transition, la machine l’actionnera dans le sens inverse.
Extrait de Jean-Louis Boissier, « L’image relation », La Relation comme forme, Mamco, Genève, Presses du réel, 2009, pp. 292-294
Dispositif tel qu’il doit être transporté pour une exposition, 2009.