Vendredi 17 novembre, 9h30, gare d’Ogaki, Gifu, Japon. Le caractère rose de l’étui se fait remarquer. Une recherche par l’intelligence Google nous apprend que cet étui est pour un violon Fiumebianca, qu’il est fabriqué en Chine, qu’on l’obtient pour 33 400 yens (un peu plus de 200 euros). La personne aussi est intéressante. L’homme, d’un certain âge, doit pour nous son aspect enfantin à ses poupées pendeloques. Le Japon ne serait pas ce qu’il est sans de tels sagemonos.
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Jeudi 9 novembre 2023, 11h, Kyoto, Sanjo dori est. La barrière métallique pliante retient l’attention du passant. Elle est un cas des plus parlants de notre définition du motif, universel, des plus anciens, que l’on nomme treillis, pour son caractère génératif, constructiviste, mécanique, 格子文, kashimon, en japonais. Le chapiteau de rideaux rouge et blanc est reconnu aussi. On le trouve, très spécifique au Japon, dans les événements publics, les fêtes, les célébrations. La particularité de ce rideau est qu’un bandeau rouge suspend les barres rouges. Ce motif est donc également une manière de frontière, de barrière, de clôture. Son nom en japonais est 紅白幕, kōhakumaku, qui se traduit simplement « rideau rouge et blanc ». Un troisième mot nous vient : ma, avec son kanji, sinogramme, 間, où l’on voit une porte s’ouvrant sur un soleil. En France, en Occident, le concept de ma a connu, à la fin des années 1970, sous l’effet notamment de Roland Barthes, une surinterprétation qui l’a rangé dans les traditions inventées. Car Ma a désigné avant tout, techniquement, en architecture, un intervalle entre deux poteaux de bois dans une charpente. Il est vrai que, métaphoriquement, il parle d’un intervalle entre deux choses, entre deux moments, deux notes, deux gestes. Mais c’est bien un espace dense et non un vide. Pour cela, les deux objets doivent être distincts, séparés et c’est là qu’intervient efficacement le terme kekkai, 結界, barrière, qui combine lier et distinguer, avec la connotation de relier les mondes de part et d’autre. C’est ainsi que Philippe Bonnin analyse longuement ce mot, pour une « esthétique japonaise de la limite », dans sa préface à la traduction de l’ouvrage de 1966, Keikkai no bi, Ito Teiji, La Beauté du seuil, CNRS Éditions, Paris, 2021, et dans Vocabulaire de la spécialité japonaise, CNRS Éditions, Paris, 2014, pp. 243-246. La clôture, le barreau, le muret, la haie, la palissade, le rideau, le seuil, ont une présence matérielle, tangible, mais « parfois plus symbolique que coercitif ». En toutes circonstances, le kekkai est « un intermédiaire qui permet les échanges ». On retrouve donc le treillis à l’œuvre. En considérant attentivement les marges de l’espace photographié, on découvre d’étroites bandes cimentées. Un sens du mot ma, qui nous est familier au Japon, est le vide très resserré entre les maisons, les immeubles. Ainsi, près de notre logement, à gauche de notre supérette FamilyMart, un passage de moins de 20 cm est habité par de très beaux chats, il connaît une grande intensité. Un mur mitoyen est ici constitué d’un plan vertical vide. Les métadonnées des photos sont très précises. Street View ne permet pas de reconnaître l’endroit, mais, daté de 2022, il apporte une explication : un immeuble d’un étage, blanc, moderne, marqué Haku Taku Dou, Clinique d’acupuncture et d’orthopédie était là, et a donc été démoli. Le kiosque rouge et blanc et ses chaises attendent peut-être un conciliabule ou une cérémonie pour une nouvelle construction.
Samedi 5 août 2023, 18h 45, Mamco, Genève. Reflet dans un sous-verre de Eugen Gomringer, pour être ici, dans son rouge, dans son œuvre et dans sa salle. Publié sur Instagram.
Jeudi 18 mai 2023, 15h39, Musée archéologique de Paladru. Gobelet n° 1623, terre cuite, site Les Baigneurs, Charavines. Placé en exergue ce gobelet néolithique rappelle qu’une céramique ayant son style propre est, pour l’archéologie, un marqueur d’appartenance à un groupe culturel, ouvert par définition aux « métissages », aux échanges lointains.
Jeudi 27 avril 2023, 23h, Paris, publié sur Instagram avec la légende « La vie des objets. Bluetooth Selfie ». L’objet se nomme « déclencheur à distance ». Il concerne la photographie et la vidéo. Autrefois, il s’agissait d’une tige coulissante souple ou d’un long tube équipé d’une poire de caoutchouc. Là c’est le Bluetooth, un flux bidirectionnel d’informations numériques porté par des ondes radio. Dans tous les cas, c’est bien le doigt, le pouce qui agit pour déclencher la prise de vue. Maintenant que les appareils se confondent avec leur écran, que la visée se confond avec son enregistrement, l’autoportrait a changé de catégorie en s’affirmant comme données de moment, de lieu, de circonstances et en s’inscrivant dans une distribution sociale. Il porte donc une distance qui n’est pas nécessairement celle du miroir narcissique, qui est une transmission, qui peut être ironique ou critique. Le bouton détaché de l’appareil est lui aussi une distanciation. Le doigt qui appuie, la diode bleue qui souligne le geste, en sont le sujet par excellence.
Jeudi 27 avril 2023, 20h, métro, ligne 1, Paris. Une hypothèse de recherche avec le concours de volontaires : collecter des scènes, dans les transports, qui montrent la proximité d’usage, sinon la confusion, du mobile téléphone et du mobile gobelet. Au demeurant, une telle collection s’opère par le mobile[phone].
#mobilecupmobile
Voir :
http://jlggb.net/blog8/2022/11/15/1320/
http://jlggb.net/blog8/2022/06/28/recipients-ligne-13/
http://jlggb.net/blog6/2019/02/06/nutriments/
Samedi 25 mars 2023, 21h, Place de la Bastille. L’endroit bien repérable, permanent, sûr, Art déco, cosy, pour se retrouver avec Hajime — pas venu à Paris depuis dix ans —, est le Café Français. Arrivés en même temps que nous, une brigade de répression de l’action violente motorisée (c’est la brigade qui est motorisée), BRAV-M, va rester là une demi-heure, le temps pour les passagers des binômes de se dégourdir les jambes.
Dimanche 15 janvier 2023, 15h, Le BAL, Paris, 18e. Giovanni Anselmo, Particolare, 1972-2010, deux projecteurs Carousel, galerie Marian Goodman, Paris.
Dimanche 18 septembre 2022, midi, Musée Ariana, Genève. Dans l’exposition Migration(s) « 33 artistes, 20 nationalités représentées », Léandre Burkhard,Urban Wheel, 2019, installation, poterie, film. Son travail connaît deux versants, une création de céramiques plastiques et sculpturales et des événements centrés sur la production d’objets en terre associant d’autres personnes et leur contexte. Résident en Chine, en particulier aux Beaux-Arts de Chine de Hangzhou, il a repris le principe d’un antique tour qui demande l’intervention d’une deuxième personne. Une relation, un dialogue provoquent l’existence d’un objet qui va en être le témoin solide.