La déception


Mardi 26 octobre 2021, 16h, rue Pré Meurt, zone industrielle de Voglans, Savoie. À l’ordre du jour, acheter des gouges chez Planet’Art et penser à un film qui éclairerait les rapports entre dans l’écran et dehors. Il y en a toute une série, le long de la façade grise, mais le dernier suffit, l’arbre vert est vu s’approcher de l’enseigne rouge. Avant même de le dicter à la bouche, le cerveau énonce : « cyprès du but », dans le sentiment d’une déception sans raison.

Bracelets un peu fluo


Dimanche 15 août 2021, 19h07. Dans le Tgv qui vient de partir de Paris, il nous vient à l’idée d’une photo à mettre sur Instagram, et pourquoi pas sur Twitter. Mais une telle revendication du « tous responsables » pourrait nous mettre dans une forme inutile de polémique.

Miriam Cahn


Dimanche 1er août 2021, 18h, Bourse de Commerce, Paris 1er. Miriam Cahn, Lachversuch, 18.4.2011, photographie et huile sur bois. Cette « tentative de rire » — titre donné à un autre tableau, plus connu — est ici un objet daté, déterminé, dédoublé en deux supports affirmés dans leur matérialité par les clous qui les attachent au mur.

L’Almanach des bergers


Vendredi 9 juillet 2021, 17h, Musée de l’imprimerie, Lyon. C’est un objet net, en rouge et noir — duo de couleurs que j’ai pu nommer « didactique » —, attirant, dont on comprendra qu’il a une place particulière dans l’histoire du livre. Cet exemplaire de l’Almanach des bergers date de 1787, il fut imprimé à Liège chez la Veuve S. Bourguigon. Il indique les heures de lever et de coucher du soleil et de la lune. Il donne des prédictions religieuses et astrologiques, mais aussi, selon des connaissances des choses humaines, le moment opportun pour pratiquer des saignées, pour la prise de remède, la purgation, le bain et la coupe des ongles et des cheveux. Pour une forme condensée et efficacement lisible, il emploie un jeu de pictogrammes, ce qui ne signifie pas qu’il s’adresse — ce qui a été dit — à un public analphabète.

Vasque de motifs


Mercredi 23 juin 2021, 16h, musée Ariana, Genève. De l’exposition de la Collection japonaise, on attendait un inventaire de motifs, de parements, à commencer par ceux au bleu de cobalt sur blanc de porcelaine. Cette vasque de 1860-1890, d’environ 60 cm de diamètre, apparaît faite pour ça.

Giorgio Morandi




Jeudi 17 juin, 15h, Musée des beaux-arts, Grenoble. Giorgio Morandi, Nature morte, 1953, huile sur toile. L’exposition Giorgio Morandi est la raison d’une venue, qui va renforcer ce qu’on a compris de sa peinture. La citation de Philippe Jaccottet — disparu en février — semble juste : « Plus l’art de Morandi progresse en dépouillement, en concentration, plus les objets de ses natures mortes prennent sur fond de poussière, de cendre ou de sable, l’aspect et la dignité de monuments. » J’aperçois une parenté des tableaux de Morandi avec ma “ Vie des objets», avec mon « Atlas du gobelet », avec la céramique relationnelle de mes « Digital Soba Choko ».

Ce tronc de cône là


Dimanche 13 juin 2021, 13h30, Chaumont. Jean-Michel prend un café. Sa tasse vient d’Helsinki. Motifs de reconnaissance de la Finlande, le motif Poppy Maija Isola de chez Marimekko est sur une faïence, comme il l’est sur la nappe. On suppose que le designer est Kaj Franck, dont la signature est attachée à la compagnie Iitala et notamment à la série Teema, toute en troncs de cônes. Mais l’anse est étrangère à son style. Une recherche internet désigne l’objet comme « Arabia, Marimekko mug, Poppy (Unikko), Maija Isola, 1951-2001, 6.4 cm, 8 cm, 143 g. » Je ne vois pas le dessous de la tasse car je ne veux pas la renverser. On aurait un objet dual branding, double marque, mais l’image internet de la marque imprimée oublie Arabia au profit de Marimekko. Le motif emblématique nommé Unikko provient d’une création en 1964 de la designeuse vedette Maija Isola. Sa fille Kristina Isola travaillera avec elle et lui succédera, en adaptant par exemple les couleurs — c’est le cas ici — jusqu’à devoir s’écarter après avoir été dénoncée pour plagiat d’une artiste ukrainienne en 2013. Il faut revenir à ça : ce qui nous réunit est le projet d’une manifestation « soba choko », gobelet japonais à collectionner, à traduire, à produire, avec cette constante du tronc de cône, qui vient précisément de se montrer dans ses dimensions exactes.

Marcher le lisible


Mardi 1er juin 2021, 19h, boulevard Beaumarchais, Paris, 3e. Les métadonnées de la photo donnent, entre autres : « Boulevard Beaumarchais, Paris, Ile de France, France ». La photo est à lire dans ses signes comme dans ses mots, la capter est déjà une opération de lecture. Les piétons ont dans la main un smartphone qu’ils sont en train de lire. Les lettres « TAGE » sont de l’inscription « partage ». La pancarte « PIETONS » qui prévoit de les guider est renversée pour les désigner. Plus exactement, la désignation du passage — le sens de la flèche — a la priorité alors qu’on constate que la lisibilité du mot renversé est conservée.