Nourrir un blog

panna cotta U
Mardi 27 août 2013, 23h30, 93bis. Rien de politique cette fois (« Enfin un dessert normal ! » du 6 mai 2012 traitait du Flanby). Une manière, libre de toute métaphore, de rentabiliser le dispositif des sardines, qui est resté en place. La Panna cotta, sur lit de caramel vient de la supérette U voisine (2,35 € les deux). L’assiette creuse en porcelaine est de Jasper Morrison pour A di Alessi.
« Prendre la nourriture en photo pourrait être la manifestation d’un véritable problème psychologique », cette affirmation de Mme Valerie Taylor, chef du service de psychiatrie au Women’s College Hospital à l’université de Toronto, a été relayée par tous les médias au mois de mai dernier, par exemple par un article du HuffPost. Un site, lancé en mars 2012, avait proposé d’augmenter le phénomène en collectant sur Tumblr les Pictures of Hipsters Taking Pictures of Food. Autre constat, relevé au hasard de Google : http://www.amelie-broutin.com/2012/01/03/le-mystère-de-la-bouffe-sur-facebook/. La question avait été signalée le 27 mars 2011 dans le billet « Minimalisme alimentaire ». Sans entrer dans l’analyse de cette pratique de masse (la population de ceux qui ont à manger tendrait à coïncider avec celle de ceux qui ont toujours un appareil sur eux), que chacun peut constater, j’y vois le degré zéro d’« alimentation du blog ». Ce que j’ai devant moi pour le manger est la preuve de mon existence. Le photographier est une manière, pas uniquement narcissique, de l’ingérer tout en le donnant à voir. Philippe Lejeune a souligné que Le Pacte autobiographique (Seuil, 1975) se définit par le type de lecture qu’engendre l’autobiographie. Dès 2000, avec « Cher écran… ». Journal personnel, ordinateur, Internet (Seuil), il analyse l’apparent paradoxe du cyberdiariste pour qui le web est un dispositif intime d’écriture. Je le constate, le couple technique photo mobile et journal partagé en réseau est insatiable.