Jeudi 31 octobre 2013, 12h. La place du marché à Vevey, que nous avions déjà visitée, il y a des années, pour y repérer la maison de Madame de Warens. Soleil très vif pour cette fin octobre sur la Riviera, et l’envie de s’installer à l’abri de la bise à la terrasse du café Le Sunset. Allant au bar pour commander deux cafés, on entend la serveuse dire : « Service dehors, si jamais. » Cette tournure typique du français de Suisse romande m’est familière. Mais elle me surprend toujours par le goût de reproche qu’elle laisse. Ici j’entends : « Si vous voulez être à la terrasse, pourquoi ne vous installez-vous pas à attendre pour commander ? ». « Si jamais », ce n’est jamais que « au cas où ». Mais le suspens est troublant. J’ai connu Si jamais je te pince !… (de Labiche), et tous les si jamais suivis de quelque chose. L’ellipse est pourtant très efficace. Jamais n’est pas que l’envers de toujours, comme dans « Ne travaillez jamais ! ». Jamais est une variable qui prend son sens, positif, négatif, hésitant, au sein de la phrase et de l’énonciation. Jamais est un moment quelconque, une éventualité dans le temps, mais verse par nature dans le négatif, même sans négation préalable : « Jamais de la vie ». Pourtant, il y a le jà (comme déjà) et le magis (plus, davantage), qui fondent, par exemple, « À jamais ». Jamais, avec si, s’échappe dans le virtuel.