février 2012

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Trop de néons

Jeudi 16 février 2012, 19h-20h. Vernissage de l’exposition Néon,Who’s afraid of red, yellow and blue ? à La Maison rouge, boulevard de la Bastille, Paris. Attractif. Et d’ailleurs, il y a un monde fou. Maintenant on ne fait plus attention aux risques de chocs électriques ou de bris de verre que font courir ces œuvres aux visiteurs. En 1983, nous avions dû fermer Electra, au Musée d’art moderne, le temps de mettre une barrière autour d’une œuvre de Dan Flavin faite de tubes fluorescents. Or, le néon demande des tensions bien supérieures. Mais ne nous plaignons pas de la proximité retrouvée avec ces œuvres. Il y a quelques jours, ayant à imaginer un projet d’exposition qui croiserait lumière et écriture, il m’est venu à l’esprit de réunir des œuvres en néon. Mais j’ai immédiatement rejeté cette idée simpliste, considérant que les pièces se tueraient littéralement entre elles. L’exposition de ce soir confirme ça, mais pas entièrement. Les pièces, certaines d’entre elles, sont suffisamment singulières et signées, rattachées à des projets d’artistes. Il reste que l’effet magasin était inévitable. D’autant que la plupart des néons d’artistes citent ouvertement les enseignes, quand ce ne sont pas de pseudo readymades. Voir : http://jlggb.net/blog3/?p=836.


Jean-Michel Alberola, Die Armut, 2006, collection Antoine de Galbert.


John Armleder, Voltes V, 2004, collection Frank Cohen.


Tracey Emin, Just Love Me, 1986, collection Goetz.


Laurent Grasso, Éclipse, 2007, collection Krzentowski, Paris.


Joseph Kosuth, Neon, 1965, galerie Almine Rech.


Joseph Kosuth, Words are Deeds, 1991, galerie 1900:2000, Paris.


Piotr Kowalski, Pour qui ?, 1967, collection Andrea Kowalski, Paris.


Claude Lévêque, Rêvez !, galerie Kammel Mennour, Paris.


François Morrellet, Enchaînement n°8, 2011, galerie Aline Vidal, Paris.


Melik Ohanian, (G)host, 2006, galerie Chantal Crousel, Paris.

Pour toutes ces photographies : © Les artistes.



Mercredi 15 février 2012, 14h45, boulevard Saint-Michel, à l’angle de la rue de l’Abbé de l’Épée (place Louis Marin), le monument aux découvreurs de la quinine, Pierre Joseph Pelletier et Joseph Bienaimé Caventou. Au débouché de la sortie sud de la station Luxembourg du RER, la sculpture a été longtemps pour nous un point de repère et l’objet d’un private joke prononcé rituellement : « Ouf, merci Aspro ! » Une double statue monumentale des pharmaciens vêtus de toges, inaugurée en 1900, fut fondue durant l’occupation. Le monument actuel, de Pierre-Marie Poisson (1876-1953), la remplace depuis 1951. Ce changement, qui suscita une polémique en 1948, est souvent cité pour illustrer les changements de goûts en matière de monuments. Voir Maurice Agulhon : http://www.cairn.info/revue-mil-neuf-cent-2003-1-page-9.htm


Mercredi 15 février, 13h30, place de la Nation, Paris, dans l’axe du boulevard Voltaire. Des pompiers se rassemblent pour partir en manifestation par le boulevard Diderot. Assemblage de deux photographies. On qualifie l’opération d’allongement épique : une certaine distance et la démultiplication des perspectives.




Lundi 14 février 2012. Cette année est le centenaire de Doisneau. Des archives : photographies inédites dans leur cadrage original. 1981, une idée nous est venue : monter une exposition des photographies de Robert Doisneau en Chine. Yann Pavie, qui a travaillé au Musée d’art moderne de la ville de Paris à l’exposition de Doisneau « Les Passants qui passent », du 11 juin au 2 septembre 1978, puis l’a montrée à la Maison de la culture de Grenoble, du 26 septembre au 16 novembre 1980, organise un rendez-vous au 46 place Jules Ferry à Montrouge dans le courant du mois de juin 1981. On verra dans de prochains billets comment les choses vont se passer. Photos ©jlggb 1981.



Samedi 11 février 2012, 17h. Acheté dans un grand magasin de la rive gauche, un pyjama de bonne qualité mais « basique de chez basique », ou bien, pour rester dans le ton des articles récents, « carrément brechtien ». Ce n’est pas exactement une périphrase, ni une circonlocution : « Made in accordance with Swiss quality standards since 1884 ». De la sorte, si on découvre, sous le bouton de la marque, « Made in China », on est rassuré. Les produits Apple, « assembled in China » — dans les conditions que l’on sait —, sont toujours « designed in California ». L’expression est déjà usée : quand on s’intéresse de façon comparatiste à la culture chinoise, à l’art chinois, à la philosophie chinoise, on fait un détour par la Chine (François Jullien). Finalement, cet achat a été rendu : coupe pas assez ample.


Vendredi 10 février 2012, 11h. Colloque Art et Recherche du ministère de la culture à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville. Elle est installée, depuis 2009, au 60 boulevard de la Villette, Paris, 19e, dans l’ancien lycée technique Diderot, le plus vieil établissement d’enseignement technique de France, largement transformé et agrandi par l’Atelier Jean Paul Philippon.



Jeudi 9 février 2012. Entre midi et 17h, rendez-vous à l’abbaye de Saint-Riquier, près d’Abbeville, dans la Somme. L’Abbatiale a été construite entre le XIIIe siècle et le début du XVIe. Sa pierre blanche lui donne un intérieur éblouissant. De très belles statues dont on nous dit qu’elles sont exemplaires de l’art picard.


Mercredi 8 février 2012; 13h30. Grand froid, temps gris. Je passe au métro Charonne et je photographie le livre d’Alain Dewerpe, Charonne 8 février 1962, Anthropologie historique d’un massacre d’État, Folio histoire inédit, 2006, que j’ai acheté en lu en grande partie en 2006 — il fait 898 pages (son éditeur est donc aussi « le mien », Éric Vigne). Mon camarade Alain Frappier (nous faisions de l’agitprop ensemble il y a près de 40 ans) vient de sortir une bande dessinée, Dans l’ombre de Charonne, Editions du Mauconduit. Ce soir, présentant Aalam Wassef, artiste égyptien engagé dans la Révolution au Caire (et sur Internet), que j’ai connu chez Gallimard en 1999-2000  à l’époque de Moments de Jean-Jacques Rousseau, invité par l’Observatoire des nouveaux médias, j’ai cité ce 50e anniversaire en disant que le 8 février 1962 avait eu tendance à masquer le 17 octobre 1961, date noire qui vit le massacre de plusieurs centaines d’Algériens dans Paris et à ses alentours. Un autre de mes camarades, Jean-Luc Einaudi, avait écrit un livre historique sur Octobre 1961 et il eut notamment le mérite de gagner son procès contre Maurice Papon (le préfet de police lors de ces deux événements) à l’époque où celui-ci était poursuivi à Bordeaux pour sa culpabilité dans la déportation de Juifs. En 1963, mon camarade de lycée Gérard Bois me montra le film de Jacques Panigel, Octobre à Paris, qui était interdit. Des années plus tard, mon ami André Iten me raconta comment il avait obtenu ce même film pour sa collection au Centre pour l’image contemporaine de Genève.


Mardi 7 février 2012, 19h30, Gaîté Lyrique, Paris. Projection du film (documentaire expérimental, France, 2011, 45mn) Cyborgs dans la brume de Gwenola Wagon et Stéphane Degoutin. À partir d’une enquête prolongée dans la rue Charles Michels à Saint-Denis, où se trouvent à la fois les restes d’une première villa en béton construite par Coignet en 1852, une usine de farine animale, des data-centers, un immeuble occupé par des églises évangélistes, etc., le film établit des rapprochements entre la fabrication de granulés et la fragmentation extrême du travail selon le principe du Mechanical Turk. Il imagine un laboratoire de « Lutte contre l’Obsolescence Programmée de l’Homme » qui serait fondé ici.

Remarque : c’est la première fois — et je m’en réjouis — que j’assiste à une projection et à un débat dans cette petite salle de la Gaîté lyrique que j’avais demandée avec insistance au moment où nous tracions, pour la Ville de Paris, le programme de reconstruction de ce théâtre (2001-2005).


Vendredi 3 février 2012, 18h30, librairie Compagnie, rue des Écoles, Paris 5e. Signature par Anne Wiazemski de son livre Une Année studieuse, Gallimard, 2012. Il y a dans la queue d’anciennes condisciples de la fac de Nanterre, deux représentantes des fans japonaises de Godard, un ancien ministre communiste avec une écharpe mauve.



« Un film en train de se faire », c’est l’une des phrases qui s’affichent dans La Chinoise. Il faut comprendre que 45 ans plus tard, il reste en train de se faire, tant il est ouvert aux interprétations et aux suites. Revoyant le film de Godard pour l’occasion (un DVD médiocre acheté au japon il y a 10 ans, les deux photos de l’écran de télévision ci-dessus), je trouve qu’il a plutôt bien vieilli. On a dit qu’il était prémonitoire de l’après 68. C’est en partie vrai. Il annonce ce qui était en train d’arriver à Godard comme à beaucoup de (jeunes) intellectuels de ce temps-là. Mais on en mesure aujourd’hui l’ironie mélancolique et critique à la fois. Plus encore que Les Carabiniers ou que Deux ou trois choses que je sais d’elle, il est le manifeste d’un théâtre-cinéma inspiré par Brecht. D’ailleurs, s’il se réfère à la Chine, c’est peut-être d’abord à son opéra traditionnel, celui de Mei Lanfang découvert par Brecht à Moscou en 1935, et dont la Chine de 1967 s’était totalement écartée. Ou bien, de la Chine pop, il tire à lui le pop. Parmi les techniques d’interruption de l’illusion et de décentrement, il y a ces instants que j’affectionne, où l’on voit la caméra et son opérateur Raoul Coutard. Il faut dire qu’il me fut donné, dans le sillage de mes amis JB et MS, d’entrapercevoir l’appartement de la rue de Miromesnil transformé modestement en plateau de tournage. Anne Wiazemski dit que pour en faire un livre, elle a pris dans la vie passée tout comme Godard avait pris dans sa vie à elle pour en faire un film. Le charme du livre, et la poésie du film, c’est quand ce qu’on connaît comme réel s’offre simultanément sous l’angle de la fiction.

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