Edvard Munch, Rosa Meissner à l’hôtel Rohn à Warnemünde, 1907, épreuve gélationo-argentique, Munch-museet, Oslo.
Edvard Munch, Femme nue en pleurs, 1930, crayon gras sur papier, Munch-museet, Oslo.
Edvard Munch, Femme en pleurs, 1907-1909, huile sur toile, collection Stenersen, Bergen Kunstmuseum, Norvège.
Détail de cette première peinture.
Edvard Munch, Femme en pleurs, 1907, huile et pastel sur toile, Munch-museet, Oslo.
Samedi 31 décembre 2011, 13h-15h, Centre Pompidou, exposition Edvard Munch, l’œil moderne. Clément Chéroux, commissaire de l’exposition, dit dans un entretien filmé : « C’est un motif dont on ne sait pas à vrai dire ce qu’il représente. Est-ce un souvenir d’enfance, une scène primitive, un souvenir érotique ? Ou bien est-ce une sorte d’archétype de lamentation ? » On a parlé d’une allusion à la scène de l’Annonciation, ou encore d’une Ève chassée du Paradis. Ce qui m’intéresse c’est ce qu’on a pu dire de la place de la photographie dans ce processus de la série d’une jeune femme nue debout, devant un lit, dans une chambre. En l’espace de quelques mois, six versions en peinture, un dessin, une photographie, des lithographies, et une sculpture. On a dit que la photographie ne précédait pas nécessairement les peintures. En photographe, il me semble pouvoir avancer que si. Quand l’on part d’une photographie, c’est pour s’en éloigner de plus en plus mais c’est aussi pour maintenir et déformer des indices singuliers. C’est le cas, je pense, de la position du modèle par rapport aux lignes du plafond et par rapport au lit, des ombres sous le bras gauche du modèle, de la posture de la tête, de la jambe gauche légèrement pliée, de l’absence des pieds conservée dans la première peinture. Si le modèle avait été photographié au cours de la pose pour un dessin ou une peinture, on n’aurait pas une telle prégnance du motif du papier peint. Le dessin est différent, mais il a été fait 23 ans plus tard. Mais peut-être faut-il trouver l’indice photographique dans le titre même de l’œuvre. Car, s’il existe un écart manifeste entre la photographie et la série des tableaux, c’est bien dans le passage d’une femme qui manifestement ne pleure pas à la figure effacée d’une femme que le titre nous désigne en pleurs. Le négatif a connu deux expositions — accidentellement ? L’image de la sœur de Rosa Meissner, Olga, peut passer inaperçue. Mais, dès qu’on s’y attache, on devine qu’elle s’essuie le visage, peut-être avec un mouchoir. Le titre viendrait alors de cette deuxième figure spectrale ? Autre chose encore : Munch a acheté en 1902 un appareil photo Eastman fournissant des négatifs de format 9×9 cm à tirer par contact. Ce peut être l’origine des formats carrés des premières peintures de la série. Enfin, on dit que seules deux de ses relativement nombreuses photos ont une parenté directe avec ses toiles. Cette parenté a tout d’une origine, au sens du matériau visuel que, précisément, on cherche dans une photographie.
Autre chose : on peut penser au film de Jacques Doillon, avec Dominique Laffin, La Femme qui pleure, 1978. Voir : « Captures » du 15 mars 2011 : http://jlggb.net/blog2/?p=4467 et « Signalétique », du 5 décembre 2009 : http://jlggb.net/blog2/?p=51.
Remarque : c’est une bonne chose que l’on puisse photographier désormais couramment dans les musées et les expositions. On peut craindre que les visiteurs photographient sans voir, là comme ailleurs. Mais il faut comprendre que c’est pour eux une manière de regarder, avec un certain investissement. Et puis les appareils et les logiciels permettent des reproductions « en amateur » plutôt convaincantes — bien qu’ici, je ne sois pas sûr des couleurs.