Mardi 24 septembre 2013, 11h30 — 12h15, Tokyo, arrondissement Koto, à l’est de la gare centrale et de la rivière Sumida. Le bâtiment appartient au Yomiuri shimbun (読売新聞), journal conservateur, dont il est dit que c’est le quotidien le plus vendu au monde — et aussi que, dans les années 50, il fit campagne pour l’énergie nucléaire au Japon, à l’appui de la CIA. Non loin de là, le parc Kiyosumi fut construit par le fondateur de l’entreprise Mitsubishi — qui deviendra l’un des complexes militaro-industriels du Japon — et inauguré en 1880. Il fut endommagé par le séisme et l’incendie de Tokyo de 1923 puis donné à la ville et ouvert au public en 1932. « La société japonaise a devant la nature un comportement contrasté. D’un côté, elle tend à l’ignorer, de l’autre, elle en fait sa valeur suprême. » : ceci est la première phrase de la quatrième de couverture du livre d’Augustin Berque Le sauvage et l’artifice. Les Japonais devant la nature (Gallimard, 1986). Il semble que la mégalopole la plus bétonnée ait cherché, depuis les années 80, à redonner une place à la nature, au sens ordinaire des arbres et des espaces verts. La culture japonaise voit la nature partout, dans sa relation à toute chose, et ne conçoit pas une opposition entre ville et nature, en termes de domination ou de soumission. Si elle fait de la nature une référence morale et esthétique, elle peut aussi bien respecter la nature que la tenir en respect. Sur ces exemples, on voit que la « nature » sert à représenter la nature avec un artifice ostensible. On pourrait s’amuser à appliquer à la ville ce que dit Rousseau, dans l’Émile, de « l’homme social » : « il faut employer beaucoup d’art pour empêcher l’homme social d’être tout à fait artificiel ».