Crassulas prélevées récemment au Japon


Samedi 16 juillet 2011, 20h40, 93bis. Elles ont été prélevées selon le protocole habituel (avec photos et localisation précise) à Kyoto (le mercredi 29 juin à Arashiyama, en allant au temple Daikakuji;  le samedi 2 juillet, avenue Sanjo Dori, en descendant de la Villa Kujoyama) et à Tokyo (le dimanche 3 juillet, non loin du musée MOT — quartier Shirakawa — sur une plante déjà bouturée le 14 décembre 2007).

Occupation (34 : le signe est un visage)



Dimanche 26 juin 2011, 13h30, Kyoto, cinquième étage du magasin Bal (Muji et 3 étages de librairie) où se trouve un très agréable café de style occidental et par lequel je commence rituellement ce nouveau séjour : on y mange des plats légers et des desserts, on y boit du café et du vin, on y lit des magazines. Et aujourd’hui celui-ci dont la couverture reproduit une très célèbre statue bouddhique conservée au Musée national de Kyoto, que cite Roland Barthes dans l’Empire des signes, avec cet aphorisme définitif : « Le signe est une fracture qui ne s’ouvre jamais que sur le visage d’un autre signe. »
Quant aux deux petites filles, l’une en kimono, l’autre en costume d’écolière, elles sont avec leurs parents, dont on n’arrive pas à voir s’ils sont habillés traditionnellement parce qu’ils viennent de la campagne ou parce qu’ils sont branchés. En tout cas, c’est dimanche.

777-200, AF 192, 27E



Jeudi 23 et vendredi 24 juin 2011, de 14h, heure de Paris, à 8h30, heure du Japon, vol Air France AF 192. Le soleil se lève au dessus de la frontière entre la Mongolie et la Chine. La meilleure place, la mienne, en classe économique, sur un Boeing 777-200, c’est la 27E, la plus avancée, personne devant, protégée par la cloison, libre d’accès (ici, à l’arrivée à Osaka-Kansai).

Portraits japonais


Mercredi 19 mai 2011, 19h30-21h, impasse de la Défense (Avenue de Clichy), Paris 18e. Pré-vernissage au BAL de l’exposition Tokyo-e, trois photographes japonais, Yukichi Watabe, Yutaka Takanashi, Keizo Kitajima. De ce denier, une série étonnante de portraits (exécutés probablement sans cadrage visuel, « caméra à la hanche »), qui font écho pour moi aux meilleures photographies de Walker Evans, mais certainement plus violentes. Des « zombies » tels qu’un Japonais marqué par l’après-guerre peut les avoir repérés — au delà de toute recherche d’identité, et donc aux antipodes d’un August Sander — dans le Berlin des années 80.


Keizo Kitajima (北島 敬三), Septembre 1983 Berlin Est; Mars 1984 Budapest; Septembre 1983 Berlin. Photos reproduites dans l’exposition et légèrement recadrées. (dr)

Concert pour le Japon

Miki O.


Vendredi 29 avril 2011, 20h30-22h30, église Notre Dame de l’Assomption, Meudon Bellevue. À l’initiative de Miki O., un concert pour contribuer à l’aide aux victimes du désastre du Japon. Un ensemble à vent composé d’instrumentistes japonais résidant à Paris joue Henri Tomasi, Jacques Ibert. Un duo par deux grandes violonistes japonaises de Paris joue Leclair. Un ensemble de 21 cors joue James Horner, musique du film Titanic, Bach et Beethoven (adaptation de l’Ouverture d’Egmont).

Une partie de la recette.

Bel objet en plastique rouge


Lundi 11 avril 2011, 12h30. Ce tampon encreur (au Japon, on signe avec un sceau) remarqué le mercredi 9 février 2011 dans une vitrine d’actualité du Design Center de Nagoya, le plus simple pour le voir de près est d’aller, dans le même bâtiment, jusqu’au magasin Loft et de l’acheter pour 683 ¥. La marque Shachihata est fabriquée à Nagoya. Référence HGN-1, 63 x 40 mm. Le design est de Naoto Fukasawa (????); dès qu’on le sait, c’est évident.


Dossier « Naoto Fukasawa »

Mug Plus Minus Zero : https://jlggb.net/blog2/?p=4290
Plus Minus Zero à Tokyo : https://jlggb.net/blog2/?p=4064
Au delà du Super-Normal : http://jlggb.net/blog/?p=5517
Plus Minus Zero miniteur : http://jlggb.net/blog/?p=5517
L’évidence : http://jlggb.net/blog/?p=1002
Clous : http://jlggb.net/blog/?p=627
SuperNormal : http://jlggb.net/blog/?p=433
Lampe minimaliste : http://jlggb.net/blog/?p=449
Plus Minus Zero à Tokyo : http://jlggb.net/blog/?p=453

Minimalisme alimentaire


Dimanche 27 mars 2011, 14h30, Nice-Savoie. Cœurs de palmier, Bio de chez Carrefour, origine : Guyana. Préparation : passer sous le robinet.
On ne peut dire d’un blog qu’il est véritablement un blog s’il ne poste pas régulièrement les images de la nourriture de son auteur (c’est ça, ce qui est devant moi et pour moi). La renommée est à ce prix (D’après Webpouls, www.jlggb.net est classé n°4.497.497 dans le monde et n°128.360 en France. Sa valeur serait de 3.754,46 €).
Informations complémentaires : table Mariolina, Magis, polypropylène gris, design d’Enzo Mari; bol de porcelaine Hakuji, Muji, design de Masahiro Mori.

Les cerisiers sont en fleurs (les délices et l’effroi)


Dimanche 20 mars 2011, à 17h, le jour du printemps, les cerisiers sont en fleurs rue de l’Ave Maria, Paris 4e. Sakura est le signe optimiste de la beauté éphémère.

Dans l’article de Jean-Pierre Dupuy « Une catastrophe monstre » (Le Monde, 20-21 mars 2011) :

[…] Tandis que les destructions humaines et matérielles s’accroissent chaque jour, une grande partie du drame actuel se joue sur la scène des symboles et de l’imaginaire. Parmi les régions qui furent les premières à être évacuées figurent les îles Mariannes. Le nom de l’une d’entre elles, Tinian, évoque pour ceux qui se souviennent le lieu d’où décollèrent, au petit matin du 6 août 1945, les B29 qui allaient pulvériser Hiroshima en cendres radioactives suivis, trois jours plus tard, par la flottille qui allait faire de même à Nagasaki. Comme si la vague géante venait se venger de ces minuscules territoires qui avaient eu le tort d’abriter le feu sacré.

La tragédie japonaise a ceci de fascinant qu’elle mêle inextricablement trois types de catastrophes que l’analyse traditionnelle distingue soigneusement : la catastrophe naturelle, la catastrophe industrielle et technologique, la catastrophe morale. Ou encore le tsunami, Tchernobyl et Hiroshima. […]

[…] il faut remonter au premier grand tsunami de l’histoire de la philosophie occidentale, celui qui suivit le tremblement de terre de Lisbonne, le jour de la Toussaint de l’an 1755.Des interprétations rivales qui tentèrent de donner sens à un événement qui frappa le monde de stupeur, celle qui devait l’emporter fut celle de Rousseau dans sa réponse à Voltaire. Non, ce n’est pas Dieu qui punit les hommes pour leurs péchés, oui, on peut trouver une explication humaine, quasi scientifique, en termes d’enchaînement de causes et d’effets. C’est dans L’Emile, en 1762, que Rousseau allait tirer la leçon du désastre : « Homme ne cherche plus l’auteur du mal : cet auteur c’est toi-même. Il n’existe point d’autre mal que celui que tu fais ou que tu souffres, et l’un et l’autre te vient de toi. »

Que Rousseau ait gagné est évident dans la manière dont le monde a réagi à deux des plus grandes catastrophes naturelles de ces dernières années : le cyclone Katrina et le tsunami asiatique de Noël 2004. C’est leur statut de catastrophe naturelle qui a été mis en doute. « A man-made disaster » (une catastrophe due à l’homme) titrait le New York Times à propos du premier ; la même chose avait été dite à propos du second avec de bonnes raisons. Si les récifs de corail et les mangroves côtières de Thaïlande n’avaient pas été impitoyablement détruits par l’urbanisation, le tourisme, l’aquaculture et le réchauffement climatique, ils auraient pu freiner l’avancée de la vague meurtrière et réduire significativement l’ampleur du désastre.

Quant à La Nouvelle-Orléans, on apprit que les jetées qui la protégeaient n’avaient pas été entretenues depuis de nombreuses années et que les gardes nationaux de Louisiane étaient absents parce qu’ils avaient été réquisitionnés en Irak. Et d’abord, qui avait eu l’idée saugrenue de construire cette ville dans un endroit aussi exposé ? On entend déjà dire que jamais le Japon n’aurait dû développer le nucléaire civil, puisque sa géographie le condamnait à le faire dans des zones sismiques exposées aux tsunamis. Bref, c’est l’homme, seulement l’homme, qui est responsable, sinon coupable, des malheurs qui l’accablent.

Entre les catastrophes morales et les catastrophes naturelles se trouvent les catastrophes technologiques et industrielles. Contrairement aux secondes, les hommes en sont de toute évidence responsables mais, contrairement aux premières, c’est parce qu’ils veulent faire le bien qu’ils produisent le mal.

À partir de l’île de Tinian, il faudrait ajouter une branche au récit démonstratif. Curieusement, elle appartient de nouveau à Rousseau. Saint Preux écrit à Claire d’Orbe :

J’ai surgi dans une seconde île déserte (c’est Tinian), plus inconnue, plus charmante encore que la première et où le plus cruel accident faillit à nous confiner pour jamais. Je fus le seul peut-être qu’un exil si doux n’épouvanta point. Ne suis-je pas désormais partout en exil ? J’ai vu dans ce lieu de délices et d’effroi ce que peut tenter l’industrie humaine pour tirer l’homme civilisé d’une solitude où rien ne lui manque et le replonger dans un gouffre de nouveaux besoins.
(Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse, IVe partie, lettre III)

L’île de Tinian sera le modèle mythique de cette « île » qu’est le Jardin de Julie (voir : http://jlggb.net/blog/?p=7085). Ce pourrait être le théâtre de l’échange entre Voltaire et Rousseau :

Lisbonne, qui n’est plus, eut-elle plus de vices
Que Londres, que Paris, plongés dans les délices :
Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris.
[…]
Il le faut avouer, le mal est sur la terre :
Son principe secret ne nous est point connu.
[…]
Un jour tout sera bien. Voilà notre espérance.
Tout est bien aujourd’hui, voilà l’illusion.
(Voltaire, Poème sur le désastre de Lisbonne, 1756)

La plupart de nos maux physiques sont encore notre ouvrage.
(Jean-Jacques Rousseau, Lettre à Voltaire sur la Providence, 18 aou?t 1756)


L’île de Tinian. George Anson, Henri-Albert Gosse et Compagnie, Genève, 1750. Cliché BNF.


L’île de Tinian, d’abord tenue par le Japon, lors de l’attaque des États-Unis en juillet 1944. L’île devenue base américaine.


L’île de Tinian est aujourd’hui une destination touristique. Emplacement du silo de la bombe lancée sur Hiroshima le 6 août 1945. Photo : CT Snow/Flickr.

Une assiette à deux couleurs d’émaux juxtaposées de Sori Yanagi


Vendredi 18 février 2011, 11h30, 93bis, Paris. Achetée au Musée Mingei (Mingeikan, 日本民芸館) à Tokyo le 10 février (Voir « Mingeikan » : https://jlggb.net/blog2/?p=4040), cette assiette fabriquée (à la main) à la poterie Nakai (qui existe depuis la période Edo, préfecture de Tottori, sur la côte nord du sud de l’île Honshu, Japon) fait partie d’une série conçue en 1956 par Yanagi Sori (柳宗理, né en 1915 à Tokyo). Un classique du renouveau du design japonais dans l’esprit Mingei défini par Soetsu Yanagi (1889-1961), fondateur du Mingeikan à Tokyo en 1936, père de Sori Yanagi. Au contraste des couleurs juxtaposées (et ici imbriquées), s’ajoute le contraste entre le vernissé et le mat. Sori Yanagi vise ainsi une forme moderne qui, si elle s’inscrit dans un style et une technique traditionnelles, s’accorde à un emploi occidental. L’esprit Mingei s’opposait à l’artisanat aristocratique et luxueux, repérait de beaux objets dans l’artisanat populaire et donnait en exemple des objets ordinaires, anonymes, utiles. Si Sori Yanagi l’applique à des objets industriels — qui n’échapperont pas au luxe, comme son tabouret Butterfly (1953) — on peut comprendre les politiques de Muji ou d’Uniqlo comme les versions actuelles du Mingei, avec un certain cynisme du marketing puisque les objets, réputés non signés, se découvrent de grandes signatures comme Mori, Fukasawa, Morrison, Grcic, Hecht, Mari, etc. (Jill Sander chez Uniqlo). L’exposition manifeste Super Normal de Jasper Morrison et Naoto Fukasawa en serait un autre avatar, plus explicitement engagé et l’opposition radicale d’un Enzo Mari au trop plein de design un autre encore. On sait que l’ouvrage-catalogue Super Normal se termine par le récit de la rencontre des deux auteurs avec Sori Yanagi, très âgé, assis sur la chaise Mariolina d’Enzo Mari commercialisée par Muji.


Photographié le dimanche 7 décembre 2008 dans l’exposition L’Esprit Mingei au Japon, Musée du quai Branly : à droite, plat avec émaux juxtaposés, Ushinoto, préfecture de Tottori, 20e siècle; série par Sori Yanagi, fonds du Mingeikan, Tokyo.


Sori Yanagi Sori avec sa carafe à saké produite à Nakai (photo des années 1990 ?). Ouvrage Yanagi Design, Sori Yanagi and Yanagi Design Institute, 2008.

Numéro spécial de Casa Brutus consacré à Sori Yanagi, 2008/10 (with an english sumary).


Voir, dans jlggbblog, le billet du 7 décembre 2008, « L’Esprit Mingei au Japon », exposition au Musée du quai Branly, Paris : http://jlggb.net/blog/?p=7056

Voir, dans jlggbblog, le billet du 10 juillet 2008 sur l’ouvrage Super Normal : http://jlggb.net/blog/?p=433

Umbrella, 2006. Product designer: Konstantin Grcic, (Muji).