Qu’est ce qu’un beau ciel ?


Lundi 15 août 2011, vers 15h, autoroute A39, en direction du sud, un arrêt sur l’« aire de repos » de La Vallière (dans le département de Saône et Loire, à  Savigny-en-Revermont, entre Louhans et Lons-le-Saunier) pour photographier le ciel, ou plutôt les nuages, qui donnent à voir, dans leur perspective, la profondeur du paysage et donc de son ciel. Demain il fera beau, ces nuages venus de l’Atlantique en bandes parallèles se seront dissipés. C’était aujourd’hui.

Le presse-papiers


Dimanche 14 août 2011, 22h. En dépit de tous les ordinateurs, il me semble que, pour retenir ce qu’il y a à faire, il faut des fiches manuscrites à garder devant soi, retenues si possible par un presse-papiers (certes, 100 grammes, c’est un peu léger). Enzo Mari, dont on connaît la méfiance sinon l’aversion pour le numérique, fait l’éloge du presse-papiers à travers sa propre collection et dans le texte qu’il publie dans le catalogue The Intellectual Work : Sixty Paperweights, Milan, avril 2010.



Enzo Mari, The Intellectual Work : Sixty Paperweights, curated by Barbara Casavecchia, Kaleidoscope, Milan, 2010.

Vendôme de Boucherie


Samedi 13 août 2011, 18h, à l’angle du Faubourg Saint-Antoine (N° 285) et de la rue Gonnet, Paris 11e. On a vu le caractère Vendôme employé pour les enseignes d’hôtels et de coiffeurs. Classique des années 50, il se maintient quand il s’agit de connoter un sérieux quasi littéraire — la boucherie mérite ça —, associé à une certaine tradition de qualité française. Un bel exemple, donc, et en rouge vif.

Restitution typographique en Vendôme medium :

Voir : https://jlggb.net/blog2/?p=6738

Des collections : le tigre à l’oreille cassée


Vendredi 12 août 2011, 22h50. En Chine, en août 1981, explorant, avec plusieurs collègues, le nord de la province du Shaanxi, le Shanbei (陕北), pour y collecter des objets des arts populaires (papiers découpés, jouets de tissu brodé et de terre), je me suis rendu à Ansai et à Luochuan. Je ne me souviens plus exactement où, je fis l’acquisition, au bord d’une route, de cette petite (7 x 5 x 3 cm) figurine de terre — non cuite — peinte de noir : un tigre que l’on veut faire porter bonheur aux garçons nouveaux-nés. C’était donc il y a trente ans. La queue a été recollée, mais une oreille cassée a disparu depuis longtemps.

Rapide


Jeudi 11 août 2011, 17h45. À l’endroit où la rue du Sentier tombe dans le Boulevard Poissonnière, un restaurant chinois qui insiste sur le rapide. Si les caractères chinois déteignent sur le mot restaurant, le mot rapide doit conserver un caractère occidental : d’où le Cooper Black, comme d’habitude associé à une certaine vivacité bon marché, qui révèle ici une proximité avec l’Extrême-Orient entrant en résonance avec son aspect art nouveau. Une enquête sur les fabricants d’enseignes chinois de Paris serait intéressante, mais peut-être interminable.


Voir le dossier « Cooper Black ».

La rotonde de La Villette


Mardi 9 août 2011, 21h. Une marche plutôt sportive nous entraîne jusqu’au bassin de La Villette. La Rotonde de Ledoux (1784) a été restaurée (et transformée en restaurant). C’est l’occasion de l’apprécier comparativement à cet autre élément conservé de l’enceinte des Fermiers généraux, les colonnes de La Nation qui, après une fort belle restauration aussi, ne peuvent faire oublier les ajouts rococo — et de statues royales — du XIXe siècle — dont La Villette a été épargnée. Du Claude Nicolas Ledoux pur.

Des archives : collodion ancestral

Il est jeune et de milieu très modeste. Il reste à identifier, si c’est possible [il s’agit probablement de Venance Lombard, le père de notre grand-mère Julie]. C’est la seule photographie de ce type dans nos archives familiales. Son procédé la date des années 1860. (Voir le 17 août : https://jlggb.net/blog2/?p=6945)
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Dimanche 7 août 2011, 23h 30. Le collodion photosensible sur plaque de verre donne un exemplaire unique, une photographie négative qui, sous un certain angle et sur fond noir, apparaît en positif. Ce type de « collodion positif » est aussi nommé « ambrotype ». Il se différencie du daguerréotype par son support de verre et non de métal. L’objet était enchâssé dans un cadre de verre et de carton qui le protégeait. Ce cadre a été cassé et cette image unique est passée entre des mains ignorantes de sa fragilité, qui l’ont « nettoyée », lui donnant en revanche un aspect ravagé qui vient à l’appui de son romantisme.

Des archives : photographies inédites, Avignon 1967


J’inaugure ici la publication de photographies tirées à partir de mes propres négatifs. Avec ce scoop, Jean-Luc Godard lors d’un débat public du Festival d’Avignon au Verger d’Urbain V, le 5 août 1967, deux jours après la première du film La Chinoise, dans la cour d’honneur du Palais des papes. On voit qu’il y a un monde fou. Juste derrière Godard, on aperçoit Antoine Bourseiller, qui était lié à la production de La Chinoise et aussi impliqué dans le Festival d’Avignon. (Peut-être faut-il encore vérifier les dates). Les autres photos sont prises au même endroit, mais le matin, lors d’une conférence de presse. On y voit Marie-Jésus Diaz — photographe, Juliet Berto, Michel Séméniako — acteurs dans le film. Le dernier portrait de Juliet Berto avait déjà été numérisé d’après un tirage et publié dans « 20 ans » : https://jlggb.net/blog2/?p=1020. Il est est ici dans son cadrage conforme aux négatifs, comme les autres photographies. Un détail de la photo de Godard pendant la conférence de presse a été publié en couverture de la revue du Ciné-Club de Clermont-Ferrand, en 1967 ou 1968. ©Photos JLggB 1967.





Appareil utilisé : Asahi Pentax Spotmatic. Film : Ilford HPS.

Meuble et mobile


Samedi 6 août 2011, 17h30. Dans le bureau de L., deux accessoires (des cadeaux) apportés par son nouveau statut et qui semblent faits l’un pour l’autre : un tabouret Ulm, en pin et hêtre, dessiné par Max Bill en 1954 (fabriqué ici par Büroforum à Würzburg, Allemagne); un iPad2, dessiné par Jonathan Ive et Apple en 2011 (assemblé probablement dans l’usine de la compagnie taïwanaise Foxconn à Chendu, Chine).
Sur Max Bill, voir : http://jlggb.net/blog/?p=4388 et http://jlggb.net/blog/?p=5369.

Des collections : Luxun en porcelaine Shiwan


Vendredi 5 août 2011, 20h45, sur ma table, sous la lampe Luxo, devant l’écran Apple 27 pouces. Luxun, écrivain révolutionnaire (1881-1936) est de ceux que la culture chinoise contemporaine a intérêt à conserver. La statuette, datée de 1972, achetée à Canton en 1974 par L. (pour être exposée au Musée d’art moderne de la Ville de Paris : Images du peuple chinois, 20 mars — 27 avril 1975) est une porcelaine Shiwan (专著, célèbre depuis la dynastie des Qing, 1644-1911, spécialisée dans la représentation de personnages), fabriquée à Foshan, près de Guangzhou (Canton). Son style est à rattacher au « réalisme » laudateur de ces années-là, qui est sans conteste éloigné du personnage réel, plutôt libertaire. Dans le stockage, pourtant attentif, la main droite a été cassée, mais elle vient ici d’être recollée sans que ce soit visible. La cigarette, un fin rouleau de papier, est conforme à l’original. Il convient de la restituer et non de la supprimer comme cela a été fait en 1996 sur une célèbre photo de l’auteur de La Condition humaine, Malraux (Gisèle Freund, 1935) — point commun : le Shanghai de la fin des années vingt.

Note  1 : On trouve le nom de Liu Zemian (刘泽棉, 1937 – ) comme auteur de cette statuette conservée au Victoria & Albert Museum à Londres (China, room 44, case 30, Museum no. FE.66-1984). Ses biographies font apparaître une certaine connivence avec les autorités. Mais c’est le sort qu’ont connu les artistes et artisans de sa génération. Il faut préciser que sa spécialité est désormais l’iconographie bouddhiste.


Liu Zemian.

Note 2 : Yu Hua, écrivain chinois traduit et publié chez Actes Sud (il est l’auteur de Brothers), consacre l’un de ses dix mots de La Chine en dix mots, 2010 (traduit par Angel Pino et Isabelle Rabut, inédit en Chine), à Luxun. Voici deux extraits de ce chapitre :

Le « Lu Xun » de l’époque n’était plus l’écrivain hautement controversé qu’il avait été de son vivant. La tempête d’attaques qu’il avait essuyée autrefois s’était éloignée et comme un ciel lavé après la pluie le « Lu Xun » d’alors brillait de tous ses feux. Ce n’était plus un écrivain, c’était un mot, un mot qui représentait la vérité éternelle et la révolution éternelle. (p.135)
C’est probablement ce qui a été sa chance, mais aussi son malheur. Sous la Révolution culturelle, « Lu Xun » a cessé d’être un nom d’écrivain pour devenir un terme politique à la mode, et dès lors ses œuvres pénétrantes et pleines d’esprit ont été elles aussi noyées sous les lectures dogmatiques. (p. 146)


Couverture : Zhang Xiaogang, Amnesia and Memory n°1, 2007.
Voir : https://jlggb.net/blog2/?p=4355 et http://jlggb.net/blog/?p=5939.