Dimanche 7 décembre 2008, vers 16h. Musée du quai Branly, exposition L’Esprit Mingei au Japon. Tabouret en bambou qui se transforme en chaise de bébé; plats en céramique, 18e siècle, Shyodai, préfecture de Kumamoto, Japon; 20e siècle, Ushinoto, préfecture de Tottori, Japon (émaux juxtaposés); Plats dessinés par Sori Yanagi et produits à la poterie Nakai à Tottori (1956 ?); suspension par Sori Yanagi, papier, 1979; collections du Mingeikan, Tokyo et Yanagi Design Institute, Tokyo.
Voir deux articles de février 2011 sur jlggbblog2 :
« Mingeikan » http://jlggb.net/blog2/?p=4040
« Une assiette à deux couleurs d’émaux juxtaposées de Sori Yanagi » http://jlggb.net/blog2/?p=4193
Catalogue L’Esprit Mingei au Japon, sous la direction de Germain Viatte, Actes Sud, 2008
Texte publié à l’occasion de l’exposition sur le site France Inter :
L’Esprit Mingei au Japon
du 30 septembre 2008 au 11 janvier 2009De l’artisanat populaire au design
Cette grande exposition internationale met en avant les rapports établis au XXe siècle entre la redécouverte des arts traditionnels asiatiques et l’évolution de l’art international à travers le design. Elle permet de découvrir, à travers près de 150 objets, l’évolution et l’influence du penseur Soetsu Yanagi, fondateur du mouvement Mingei.
Le mot « Mingei » est une abréviation de minshuteki kogeï, qui signifie « l’artisanat fait par le peuple et pour le peuple ».« Il doit être modeste mais non de pacotille, bon marché mais non fragile. La malhonnêteté, la perversité, le luxe, voilà ce que les objets mingei doivent au plus haut point éviter : ce qui est naturel, sincère, sûr, simple, telles sont les caractéristiques du Mingei. »
Soetsu Yanagi, L’Idée du Mingei, 1933Soetsu Yanagi (1889-1961), penseur et esthète
Tout en s’intéressant aux divers courants de la spiritualité, il se passionne au début du XXe siècle pour l’art et la littérature occidentaux (Walt Whitman, William Blake, Vincent van Gogh, Paul Cézanne, Auguste Rodin). Frappé en 1914 par la beauté d’un vase coréen, il s’efforce, dès les années 1920, soutenu par quelques artistesartisans, de révéler la qualité des objets d’usage quotidien et leur charge spirituelle. Homme d’action, il se préoccupe aussi des conditions du développement futur d’arts populaires désormais confrontés à l’évolution du monde moderne.
Dans un pays qui ne considérait que l’artisanat aristocratique, Soetsu Yanagi, convaincu qu’ « un bon collectionneur est un second créateur », s’attache à découvrir selon son intuition des objets ordinaires (getemono) dont il admire la beauté et qui ont été produits par des artisans inconnus. Marqué par le bouddhisme et la « Voie du Thé », il s’interrogera toute sa vie sur ce qui constitue la Beauté. Il la reconnaît dans des objets sobres et sensibles, dépourvus de virtuosité technique et fait appel pour les qualifier à des termes moraux définis autour de la notion de vertu (toku) : sûr (kakujitsu), fidèle (chûsei), sincère (seijitsu)…
Selon le principe de la voie du bouddhisme accessible à tous, le tariki, il considère que la vérité dépasse la conscience de soi, qu’elle est donnée au-delà des notions de beau et de laid, ce qui a permis de produire des oeuvres justes et durables quels que soient les matériaux utilisés et quel que soit leur usage.Soetsu Yanagi et ses complices
Après avoir suscité la création d’un musée d’art populaire à Séoul (1924), il décide en 1926 avec l’aide de ses amis, les potiers Kenkichi Tomimoto, Shoji Hamada et Kanjiro Kawaï de créer à Tokyo un musée d’art mingei, le Nihon Mingeikan, qui ouvrira en 1936. L’action de Soetsu Yanagi se manifeste d’abord par la publication de la revue Kogeï (1931-1951) et la création en 1934 d’une société de soutien, le Nihon Mingei Kyokai.
Les liens établis dès le début du siècle par son ami Bernard Leach entre la Grande Bretagne et le Japon, les voyages exploratoires que Soetsu fait à l’étranger (notamment à Skansen), et son enseignement à l’Université d’Harvard assureront à partir de 1929 le rayonnement international du mouvement, en particulier aux Etats-Unis. Le groupe des premiers fidèles s’est entre-temps enrichi par l’adhésion amicale du graphiste et teinturier Keisuke Sérizawa et du peintre graveur Shikô Munakata.Un Pont entre artisanat et design
Sori Yanagi, fils de Soetsu Yanagi, se consacre comme son père à « l’Esprit Mingei ». Il concilie à partir des années quarante l’approche moderne du design et les enseignements fonctionnalistes du Bauhaus, avec une curiosité sans dogmatisme qui lui est transmise par Charlotte Perriand. Il porte un regard de plus en plus attentif au message spirituel et humain de son père.
A partir de 1948, il réalise des ensembles de grande diffusion : services à thé et à café en porcelaine blanche, séries de bols en acier inox, meubles… Evitant tout décor, il privilégie des formes simples qui semblent naturellement conçues et modelées, en utilisant de nouveaux matériaux et les techniques contemporaines de production et d’assemblage. Le siège Butterfly (conçu en 1953) deviendra une icône du design.
Ses conceptions annoncent celles de designers contemporains comme Naoto Fukasawa et Jasper Morrison, attachés à la notion de « Super Normal » pour désigner des objets dont le
caractère ordinaire s’est tout simplement imposé.